Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 26

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

A. L'ORIGINE DES CAPITULATIONS OTTOMANES
21.  L'origine des premières capitulations concédées par l'Empire ottoman
est incertaine. Si on peut affirmer qu'elles sont partiellement une reprise de textes
datant de l'Époque médiévale (1), des incertitudes demeurent quant à l'authenticité du texte des célèbres capitulations de 1536 (2).
1.	 Le creuset médiéval des premières capitulations
22.  Les premières capitulations concédées à la France par l'Empire ottoman
semblent avoir subi la double influence des droits byzantin et mamelouk. Dès le
xe siècle se forment, dans l'Empire romain d'Orient, les prémices d'un encadrement du commerce international. Des chrysobulles de 992, 1082 et 11984 reconnaissent aux marchands vénitiens établis à Constantinople le bénéfice d'un régime
dérogatoire5. Ces derniers se voient concéder des privilèges qui les placent sous la
juridiction de leur représentant - le baile6 - et garantissent des avantages commerciaux7. À  partir du xiie siècle, des textes analogues sont concédés à Gênes et à
Pise8. Après la conquête de Constantinople, les Turcs ottomans, depuis longtemps
soumis à l'influence byzantine par le biais des relations diplomatiques complexes
qu'entretiennent les deux États9, s'empressent de confirmer les privilèges des marchands vénitiens par un acte du 18 avril 145410. La Porte n'a toutefois pas encore
noué de rapports directs avec la France. À la fin du xve siècle, le sultan ottoman
Bajazet II tente d'ouvrir des relations diplomatiques avec le royaume11. Il envoie
un représentant, Hüseyn Beg, qui accoste à Nice en 1483. Sa lettre de créance
4. Chrysobulle de Basile II, mars 992 (éd. M. Pozza et G. Ravegnani, I trattati con Bisanzio 9921198, Venezia, Cardo, 1993, p. 21-24) ; Chrysobulle d'Alexis Ier Comnène, mai 1082 (éd. M. Pozza et
G. Ravegnani, I trattati con Bisanzio, op. cit., p. 35-45) ; Chrysobulle d'Alexis III Ange, novembre 1198
(éd. M. Pozza et G. Ravegnani, I trattati con Bisanzio, op. cit., p. 119-137) ; pour une traduction des
deux premières, voir G.  Saint-Guillain, « Les Vénitiens et l'État byzantin avant le XIIe siècle »,
Économie et société à Byzance (VIIIe-XIIe siècle). Texte et documents, éd.  S.  Métivier, Paris,
Publications de la Sorbonne, 2007, p. 255-262.
5. Sur le commerce vénitien dans l'Empire byzantin, voir V.  Tchentsova, « Le commerce
vénitien en Grèce du XIIIe à la première moitié du XVe siècle d'après les données prosopographiques »,
Le partage du monde. Échanges et colonisation dans la Méditerranée médiévale, éd.  M.  Balard et
A. Ducellier, Paris, Publications de la Sorbonne, 1998, p. 287-295.
6. Le titre de baile découlerait de la même étymologie que le terme de bailli, selon le v° Baile,
Dictionnaire de Trévoux (éd. cit., t. I, p. 704b).
7. M. Viallon, Venise et la Porte ottomane 1453-1566. Un siècle de relations vénéto-ottomanes de
la prise de Constantinople à la mort de Soliman, Paris, Economica, 1995, p.  89 et s. ; É.  CrouzetPavan, Venise triomphante. Les horizons d'un mythe, Paris, Albin Michel, 1999, p. 103 et s.
8. F. Borel, De l'origine et des fonctions des consuls, Saint-Pétersbourg, Pluchart, 1807, p. 13 et s.
Pour une étude récente de droit comparé sur ces différents textes, voir D.  Penna, The Byzantine
Imperial Acts to Venice, Pisa and Genoa, 10th-12th Centuries. A Comparative Legal Study, The Hague,
Eleven International Publishing, 2012. Voir également K. Fleet, European and Islamic Trade in the
Early Ottoman State : The Merchants of Genoa and Turkey, Cambridge, Cambridge University Press,
1999.
9. G.  Vismara, « Bizanzio e l'islam. Per una storia dei trattati tra la cristianità orientale e le
potenze musulmane », Scritti di storia giuridica, Milano, Giuffrè, 1989, t. VII, p. 252-310.
10. Trattato di pace con Mohammed II, 18  avril 1454 (éd.  S.  Romanin, Storia documentata di
Venezia, Venezia, P. Navatovich, 1855, t. IV, p. 528-535). Malgré la dénomination de traité choisie par
l'éditeur, il convient de préciser que la nature exacte de cet acte est inconnue. Il est cependant probable
qu'il s'agisse d'un acte unilatéral et non d'un traité bilatéral.
11. N.  Vatin, « Une tentative manquée d'ouverture diplomatique : la lettre de créance d'un
envoyé de Bajazet II auprès de Louis XI (1483) », L'Empire ottoman, la République de Turquie et la
France, Paris-Istanbul, Association pour le développement des études turques-Isis, 1986, p. 1-13.

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