Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 46

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

retiré à la France par l'article 33 des capitulations anglaises de 1675 qui dispose
qu'« à l'avenir et pour jamais, les marchands desdits princes [le souhaitant] seront
toujours sous la bannière et protection de l'ambassadeur et des consuls
d'-Angleterre  »157. Une véritable concurrence fiscale se met alors rapidement en
place entre la France et l'Angleterre pour attirer les marchands étrangers et capter
les revenus issus de leur protection158. Dès la fin du xviie siècle, la protection anglaise
est rapidement préférée et, en dehors de quelques cités italiennes, une grande part
du commerce des négociants européens au Levant transite par leurs consulats159.
58.  En pratique, après l'avènement du sultan Mehmed IV, tout prince chrétien
en mesure d'entretenir un ambassadeur permanent à Constantinople s'y voit concéder la liberté de faire le commerce sous sa propre bannière160. En 1665, la république
de Gênes obtient ainsi à son tour des capitulations l'exemptant de la protection étrangère, suivie par l'Autriche en 1718, la Suède en 1737, le royaume des Deux-Siciles en
1740, le Danemark en 1756, la Prusse en 1761, l'Espagne en 1782 et la Russie en
1783161. Ce phénomène n'est néanmoins pas unilatéral et, une fois le monopole français supprimé, le choix de la protection devient avant tout une question d'opportunité. Certaines nations ayant obtenu des capitulations renoncent d'elles-mêmes au
bénéfice de leur autonomie pour revenir sous la protection française. Entre
1645 et 1718, Venise entre en guerre à trois reprises contre l'Empire ottoman au sujet
de ses possessions en Méditerranée orientale. Ces conflits s'accompagnent d'une suspension du commerce et la Sérénissime abandonne progressivement ses consulats
dans le Levant au cours du xviie siècle162. Les marchands vénitiens sont dès lors
contraints de naviguer sous la bannière blanche et d'utiliser les réseaux consulaires de
157. Capitulations accordées par Mehmed  IV à l'Angleterre, septembre  1675, art.  33
(éd. G. Noradounghian, Recueil d'actes internationaux de l'Empire ottoman, op. cit., t. I, p. 155).
158. Les exemples de négociations prévoyant des ajustements fiscaux au bénéfice des protégés
sont légions, voir par exemple le Procès-verbal de l'assemblée de la nation de Larnaca, 1er décembre
1701 (éd.  A.  Pouradier Duteil-Loizidou, Consulat de France à Larnaca..., op.  cit., t.  III,
p. 190-191).
159. Cet état de fait est notamment relevé dans un mémoire sur l'État du commerce de Levant à
Marseille lorsque sa majesté en a pris connoissance, et de l'état des autres nations pour ce commerce,
1695 (Paris, AN, AE, BIII 235, pièce 55, fol. 4v).
160. 
Pour un panorama détaillé des différents ambassadeurs européens résidants à
Constantinople dans la décennie 1780, voir L.-F. de Ferrières-Sauvebœuf, Mémoires (éd. Mémoires
historiques, politiques et géographiques des voyages du comte de Ferrières-Sauvebœuf faits en Turquie, en
Perse et en Arabie depuis 1782 jusqu'en 1789, Maestricht, J. P. Roux et compagnie, 1790, t. I, p. 33-36).
161. Capitulations accordées par Mehmed IV à la république de Gênes, 1665, art.  2
(éd. G. Noradounghian, Recueil d'actes internationaux de l'Empire ottoman, op. cit., t. I, p. 126) ;
Capitulations accordées par Ahmed III à l'Autriche, 17 juillet 1718, art. 1er (éd. G. Noradounghian,
Recueil d'actes internationaux de l'Empire ottoman, op. cit., t. I, p. 221) ; Capitulations accordées par
Mahmud Ier à la Suède, 10 janvier 1737, art. 1er (éd. G. Noradounghian, Recueil d'actes internationaux
de l'Empire ottoman, op.  cit., t.  I, p.  239) ; Capitulations accordées par Mahmud  Ier au royaume des
Deux-Siciles, 7 avril 1740, art. 1er (éd. G. Noradounghian, Recueil d'actes internationaux de l'Empire
ottoman, op. cit., t. I, p. 271) ; Capitulations accordées par Osman III au Danemark, 14 octobre 1756,
art.  1er (éd.  G.  Noradounghian, Recueil d'actes internationaux de l'Empire ottoman, op.  cit., t.  I,
p.  309) ; Capitulations accordées par Mustafa III à la Prusse, 23  mars 1761, art.  1er
(éd. G. Noradounghian, Recueil d'actes internationaux de l'Empire ottoman, op. cit., t. I, p. 313) ;
Capitulations accordées par Abdülhamid  Ier à l'Espagne, 14  septembre 1782, art.  1er
(éd. G. Noradounghian, Recueil d'actes internationaux de l'Empire ottoman, op. cit., t. I, p. 344-345) ;
Capitulations accordées par Abdülhamid Ier à la Russie, 21 juin 1783, art. 1er (éd. G. Noradounghian,
Recueil d'actes internationaux de l'Empire ottoman, op. cit., t. I, p. 352).
162. Pour un exemple, voir le retrait du consul vénitien à Alep relaté par L. d'Arvieux, Mémoires
(éd. cit., t. VI, p. 167-172).

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