Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 49

L'encadrement international du commerce franco-ottoman

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gouvernement turc au comte de Saint-Priest, ambassadeur à Constantinople entre
1768 et 1784180. À son retour, il rappelle d'ailleurs, sans succès, à Louis XVI l'obligation formelle d'obtenir un commandement du sultan181.
65.  Cette procédure devant la Porte n'est toutefois pas la seule condition à
l'octroi de ce statut.  Les candidats à la protection française doivent également
remplir une série de conditions prévues par les ordonnances royales.
2.	 Les conditions françaises d'octroi de la protection
66.  Les sujets ottomans doivent remplir une condition de fond et une condition de forme pour se voir octroyer la protection française. Ils doivent tout d'abord
présenter un intérêt manifeste pour la nation, avant de se soumettre à une procédure prévue par la législation royale. À  l'origine, l'octroi de la protection relève
d'une compétence discrétionnaire des consuls établis dans le Levant et repose essentiellement sur des considérations pragmatiques relatives à l'utilité du protégé pour
la nation. Le voyageur Joseph Pitton de Tournefort souligne, par exemple, la préférence des consuls pour les censaux issus des milieux juifs qui sont jugés plus aptes à
faciliter le commerce des marchands français182. À partir du milieu du xviie siècle, la
vénalité se répand cependant dans l'octroi de la protection183. Des familles juives
obtiennent ainsi, en l'absence de tout intérêt commercial pour la nation, le statut de
protégé en échange du versement d'une redevance annuelle d'une valeur substantielle au consulat184. De plus, la protection est progressivement interprétée de façon
de plus en plus extensive. Le baron de Tott185, lors de son inspection des échelles en
1776, relève que les consuls accordent abusivement ce statut à toutes les personnes
affiliées aux censaux du corps des marchands186. Ces excès entraînent une réaction
commerce et la navigation des sujets du roi, dans les échelles du Levant et de Barbarie, 3 mars 1781,
titre  I, art.  145 : « Les consuls et les vice-consuls n'accorderont des lettres de protection qu'en
conséquence des délibérations de la nation » (éd. cit., p. 111).
180. À propos du comte de Saint-Priest, voir les travaux de J. M. Landau, « Saint-Priest and his
mémoire sur les Turcs », L'Empire ottoman, la République de Turquie et la France, éd.  H.  Batu et
J.-L. Bacqué-Grammont, Paris-Istanbul, Isis, 1986, p. 127-133.
181. Mémoire présenté par le comte de Saint-Priest à son retour en France pour rendre compte à sa
majesté de son ambassade à Constantinople, 1784 (reproduit in F. Rey, La protection diplomatique et
consulaire dans les échelles du Levant et de Barbarie, op. cit., p. 271-272).
182. J.  Pitton de Tournefort, Relation d'un voyage au Levant fait par ordre du Roi : « Le
commerce des François en Levant [...] ne demande pas un grand génie : mais beaucoup de droiture et
de probité ; toutes les affaires y passent par les mains des Juifs, il faut nécessairement s'accommoder à
l'usage du pays, c'est-à-dire leur confier nos effets, les vendre suivant leur avis, achetter les marchandises
du Levant pour gagner du bien » (éd. Amsterdam, s. e., 1718, t. I, p. 14-15) ; voir aussi L. d'Arvieux,
Mémoires (éd. cit., t. VI, p. 441-442).
183. Cette vénalité a notamment été décrite dans le Mémoire du Sieur Lemaire sur la protection
des Juifs en Levant, 4 novembre 1711 (éd. J. Weyl, « Les juifs protégés français aux échelles du Levant
et en Barbarie sous les règnes de Louis  XIV et Louis  XV », Revue des études juives, t.  12, 1886,
p. 272-274).
184. Mémoire concernant l'eschelle de Smyrne, 20 mai 1688 (Paris, AN, AE, BIII 235, pièce 18,
fol. 2-2v) ; Mémoire sur les Juifs portugais, 1693 (Paris, AN, AE, BIII 235, pièce 46).
185. Le baron François de Tott est ambassadeur à Constantinople de 1757 à 1763, avant d'être
nommé aux fonctions d'inspecteur des échelles du Levant. La vie de cet extravagant personnage est
bien connue grâce à ses mémoires : F. de Tott, Mémoires du baron de Tott sur les Turcs et les Tartares,
Amsterdam, s. e., 1785. Pour une synthèse récente sur ses activités dans le Levant, voir l'article de
F. Tóth, « Égypte. La double mission du Baron de Tott à la fin de l'Ancien Régime », Africa : rivista
trimestrale di studi e documentazione dell'Instituto Italo-Africano, t. 57/2, 2002, p. 147-178.
186. Mémoire sur les arrangements généraux du Levant et de Barbarie, 1779 (cité par F. Rey, La
protection diplomatique et consulaire dans les échelles du Levant et de Barbarie, op. cit., p. 298-299).

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