Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 78

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

qu'ils sont dans une terre étrangère et chez une nation ennemie. Marchent-ils
dans les rues, ils lisent sur les visages ces sentiments d'aversion et de mépris
que nous avons nous-même pour les Juifs. Par le caractère sauvage des habitants, les douceurs de la société leur sont interdites ; ils sont privés même de
celle du climat, parce que le vice du gouvernement rend l'habitation de la
campagne dangereuse. Ils restent donc dans leurs khans, où souvent un soupçon de peste, une alarme d'émeute les tient clos comme dans une prison144.
124.  De plus, les gouverneurs des provinces excentrées entravent régulièrement la libre circulation pourtant garantie par les textes. Au xviie siècle, le pacha
du Caire empêche systématiquement tout départ des navires français ayant
accosté à Alexandrie sans son autorisation préalable, au motif qu'ils seraient susceptibles de prévenir les ennemis de la Porte des mouvements de troupe, ou que
leurs cargaisons de retour ne seraient pas complètes. Pour empêcher ces pratiques,
l'inspecteur des échelles, Xavier d'Ortières, obtient à la fin du xviie siècle plusieurs
commandements spéciaux du sultan interdisant à ce gouverneur de procéder à
des retenues arbitraires145. Enfin, dans le but d'éviter ce type de rétentions, le sultan délivre parfois des sauf-conduits à ses invités les plus prestigieux, et notamment au personnel d'ambassade146.
125.  Afin de garantir aux Français la jouissance de la libre circulation des
personnes, les capitulations et les traités prévoient plusieurs mécanismes juridiques destinés à protéger de cette liberté.
II. LES MÉCANISMES DE PROTECTION
DE LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES
126.  La protection de la libre circulation des personnes est de deux ordres :
d'une part, le statut des sujets du roi de France est protégé sur le territoire ottoman (A) ; d'autre part, en mer, les navires français sont en principe protégés
contre les attaques des corsaires turcs et arabes (B).
A. LA PROTECTION DU STATUT
127.  En droit musulman, le statut de ceux qui appartiennent aux autres religions du Livre -  Chrétiens et Juifs  - est en principe défini par le verset 29 de la
sourate IX du Coran :
Combattez :
ceux qui ne croient pas en Dieu et au Jour dernier ;
ceux qui ne déclarent pas illicite
l'article de J.-C. David et T. Grandin, « L'habitat permanent des grands commerçants dans les khans
d'Alep à l'époque ottomane », Les villes dans l'Empire ottoman : activités et sociétés, éd. D. Panzac,
Paris, CNRS, 1994, t. II, p. 85-101.
144. C.-F.  Chassebœuf de La Giraudais [comte de Volney], Voyage en Égypte et en Syrie
pendant les années 1783, 1784 et 1785 (éd. Paris, Parmantier-Froment, 1825, t. II, p. 404).
145. Liste des commandemens du grand seigneur au bacha du Caire, 14  juin  1687 (Marseille,
ACCIM, J 1573, fol. 1v-2v).
146. Par exemple, voir la traduction du Passeport du grand turc donné à Messieurs Fermanel,
Fauvel, Baudouin et de Stochove, 4 mars 1631 (éd. G. Fermanel, Observations curieuses sur le voyage
du Levant fait en 1630 par Messieurs Fermanel, conseiller au parlement de Normandie, Fauvel, maistre
des comptes, Baudoin, sieur de Launay, Stochove, sieur de Sainte Catherine et gentilhomme Flamand,
Rouen, Jacques Herault, 1668, p. 1-2).

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