Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 118

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LES SOCIÉTÉS EN NOM COLLECTIF AU XVIIIe SIÈCLE

acquérir une « majorité » liée à sa participation au commerce et être exposé à des
responsabilités d'adulte auxquelles il n'est pas nécessairement préparé. La notion
de majorité est variable selon les coutumes87 et l'ordonnance du commerce de
1673 dans son titre 1er entretient le doute : d'une part, elle souligne que pour être
reçu marchand il faut avoir vingt ans, et d'autre part que le seul fait d'exercer le
commerce vous donne la majorité88. C'est sur cette ambiguïté apparente que se
fonde un jeune homme associé dans la société de sa mère peu avant sa majorité. Il
prétend qu'il était mineur à l'époque des faits afin de contrer ses créanciers : « Le
Sr Layre avoit ajouté aux moyens que l'arrêt du 11 juillet a accueillis, que non
seulement il etoit mineur de 25 ans lorsqu'il avait souscrit l'acte du 13  janvier
1777 mais qu'il n'avoit pas meme encore atteint la majorité légale puisqu'il avoit
à peine dix-neuf ans et demi. Les créanciers prévoyent cette objection et ils la
repoussent en disant que l'art 3 du titre 1er de l'ordonnance du commerce n'introduit cette majorité que dans les villes et pour le cas où il s'agit de faire admettre
quelqu'un à la maitrise, mais que cette règle ne peut pas être invoquée dans l'espèce actuelle, puisqu'il ne s'agit pas de maitrise et que d'un autre côté il n'y en a
point dans la ville de Manduel où le Sr Layre est domicilié89. » Les députés du
commerce sont saisis du dossier et se rendront en majorité aux arguments développés par les créanciers  : « si un mineur peut contracter des engagements dans
un commerce qu'il fera seul sans secours et sans guide [...] par quelle raison ne
pourra-t-il pas souscrire valablement un acte de société et contracter des obligations communes à l'associé qu'il s'est donné pour le conduire et l'éclairer sur la
nature de ces obligations ? [...] Surtout si cet associé est sa propre mère [...] la
87. C. Du Moulin, op cit, v°majorité. Il s'agit ici des majorités civiles avec les variétés propres à
différentes coutumes, p. 263 : « Entre nobles le masle est majeur à vingt ans accomplis & la fille à
quatorze ans ; & entre roturiers, le masle & la femelle sont majeurs à quatorze ans & peuvent contracter
valablement pour raison de leurs meubles ; mais quant aux immeubles, ne peuvent en disposer, aliéner
& les hypothèquer qu'ils n'ayent atteint vingt ans accomplis [...] sur l'article  444 de la coutume
d'Anjou [...] ». Voir aussi p 264 : « sur l'article 1 du chapitre 13, de la coutume d'Auvergne. » ainsi
que : G. Meylan, L'âge de la majorité coutumière en France du xvie au xviie siècle, thèse de doctorat,
Histoire du droit, Université Panthéon-Assas, Paris II, 2003.
88. Ordonnance du commerce de 1673, op cit, tit  1, art  3  (extrait) : « Aucun ne sera reçu
marchand, qu'il n'ait vingt ans accomplis, et ne rapporte le brevet et les certificats d'apprentissage, et
du service fait depuis. » Art 6 : « Tous négocians et marchands en gros et en détail, comme aussi les
banquiers, seront réputés majeurs pour le fait de leur commerce et banque, sans qu'ils puissent être
restitués sous prétexte de minorité. » Les auteurs vont préciser ces différents points. F. Bourjon, op cit,
Liv 1er, tit VI, ch 1er, § XI, p. 46 : « Le mineur marchand est réputé majeur par tout ce qui regarde son
commerce ; son propre intérêt a conduit là ; première exception à la règle & à la fixation générale de
la majorité : l'avantage même du mineur la fonde ; c'eft pour lui-même exception salutaire. » J. Savary
des Bruslons, op cit, t 2, v° majorité, p. 1164-1165, observe à propos de l'article 6 précité : « Comme
l'on pourroit demander pour expliquer l'article de l'ordonnance, à quel âge donc il est permis d'entrer
dans le commerce, & par conséquent on peut être réputé majeur  ; Mr. Savary remarque dans son
Parfait Négociant que cela dépend s'il y a ou non maîtrise dans la ville où un mineur veut s'établir et
faire commerce. A Paris, par exemple où l'on ne peut être reçû Maître qu'à 20 ans, la majorité est
reputée commencée du moment que le jeune marchand entre dans la 22e année[...] dans les villes où il
n'y a point de maîtrise, le mineur doit être réputé majeur, aussi-tôt qu'il commence à faire le commerce
pour son compte particulier, n'eut-il que 19 ans, n'en eut-il même que 18. » Voir aussi : J. Toubeau, op
cit, t 1, Liv 1, tit XV, ch XVI, Du commerce des mineurs, & de leur soumission aux juridictions consulaires
etc. p 349-355. P-B. Boucher La science des négocians et teneurs de livres. Paris, An XI (1803), tit 1,
art 3, § 268, p. 326 Institutions commerciales traitant de la jurisprudence marchande, op cit, § 700, p. 127.
89. Avis des députés du commerce du 11 juillet 1786 sur : « la requête des sieurs Blanc frères,
négociants de la Ville de Nîmes sindics des créanciers unis de la Dame Bancel, veuve Layre et du Sr Pierre
Layre, son fils, tendant à la cassation d'un arrêt du Parlement de Toulouse rendu en faveur du Sieur Layre
le 11 juillet 1785 ». Veuve Layre & fils ainé. Commerce d'eau de vie. (AN F12723).

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