Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 135

La formalisation des accords

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livres10. » Ces belles déclarations ont-elles les effets escomptés ? En fait, elles n'auraient pas lieu d'être, si les actes n'étaient pas si souvent transgressés. Il en était
attendu plus de crainte que d'effet. Toutefois, même s'il ne leur est accordé qu'un
crédit limité, elles ont le mérite d'indiquer les sanctions auxquelles le contrevenant
risque de s'exposer.
B. UN ACTE SOUS SEING PRIVÉ OU UN ACTE NOTARIÉ11
146. Un acte écrit peut être réalisé sous seing privé ou mieux par acte notarié12. Les deux solutions sont possibles mais n'offrent pas la même protection. Le
contrat sous seing privé évite des frais et peut être établi sur le champ. Il permet
également de formaliser immédiatement la pensée de chacun. Il présente cependant des risques si la partie adverse falsifie par la suite le document à son avantage
en trompant la confiance de son associé13. Ce cas n'est pas aussi rare qu'on pourrait l'imaginer. En 1781, deux négociants d'Amiens, les Srs Delahaye et Durand,
constituent une société avec un anglais, le Sr Murry, pour créer une manufacture
de couperose, de vitriol et d'eau forte. Ils signent l'acte et apprennent par la suite
que leur partenaire n'est pas de toute confiance. Ils n'hésitent pas alors à employer
des moyens peu recommandables : « [...] Sous prétexte de faire au traité de société
quelques changements indifférents les Srs Delahaye s'étoit fait remettre le quintuple du Sr Murry. Ils rayèrent et battonnèrent les signatures qui étoient au bas de
cet écrit14 [...] » L'acte notarié est de ce point de vue plus protecteur. Il offre aussi
l'intérêt de permettre des prises d'hypothèque entre les associés et d'avoir une
valeur juridique supérieure par rapport à l'acte sous seing privé15. En pratique, ces
arguments ne sont pas totalement convaincants dès lors par exemple que les formules relatives à des engagements hypothécaires figurent assez souvent dans des
actes sous seing privé : « Enfin pour l'entière exécution du présent traité de notre
société, nous obligeons réciproquement, affectons et hypothéquons solidairement, chacun de nous en droit, soit l'un envers l'autre tous nos biens, meubles et
10. Acte de société en commandite du 26 juillet 1751. Tonnelier et Dufay, Le Marinier. Art 8 (AP
D3B6 52). Acte de société du 3 juillet 1762. Pierre & Alexandre Carpentier. Mercerie. Même réflexion
dans un style plus lapidaire : « Toutes les peines portées en ces présentes pour les contraventions y
expliquées, seront de rigueur et ne pourront être remises ni modérées sous quelque prétexte que ce soit
par les magistrats ou arbitres. » (AN MC/ET/XCIII/66).
11. J. Hilaire, La science des notaires, Paris, 2000, Part 1, tit 1, ch 1 « L'Héritage médiéval »,
p. 42 : « Les notaires ont ainsi pratiqué le raisonnement par analogie pour opérer une transposition
des types de contrat de communauté dans des situations qui ne relevaient plus d'usages familiaux mais
de besoins commerciaux et correspondaient à une association entre marchands ou artisans. »
12. J. Savary, op cit,. Part 2, Liv 1, ch 1. p 6 : « Les societez entre négociants et marchands se font
ordinairement sous signature privée, mais j'estime qu'il sera mieux de les faire reconnoitre pardevant
notaires [...] »
13. id. : « [...] si après la dissolution de la société il arrivoit quelque contestation entre les associez,
héritiers ou aians cause, l'acte de société [passé chez le notaire] ne sera point sujet à reconnoissance, ni
trouvé suspect de faux, ou d'y avoir augmenté aucun article depuis la passation d'icelui ».
14. Traité de société du 30 août 1781 pour 18 ans. Avis des députés du commerce du 11 mai 1787
sur « la demande du Sr Thomas Murry, anglois de nation afin de cassation d'un arrêt du Parlement de
Paris contre lui rendu le 25 juillet 1786 en faveur des Srs Delahaye frères et Durand, négociants à
Amiens. » Manufacture de coupe rose, vitriol. Extrait de la présentation des faits. (AN F12 723)
15. J.-L. Moreau de Beaumont, Mémoires concernant les impositions et droits en Europe, Paris,
1768-1769, Impositions et droits en France. t 4, Part 3, p. 504 : « Les actes sous signature privée ne sont
point exécutoires & ne donnent aucune hypothèque par eux-mêmes, ce n'est qu'après qu'ils ont été
reconnus en justice ou devant notaires qu'ils produisent ces deux effets, & dans ces deux cas ils sont
sujets au contrôle ». Voir aussi J. Savary op cit, Part 2, Liv 1, ch 1, p. 6.

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