Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 145

La formalisation des accords

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et paiements n'aient été effectués62. » Ces tempéraments s'expliquent par le fait que
l'associé est déjà dans la société, qu'il a remis des fonds et que l'on peut espérer que
son silence résulte plus d'un embarras de trésorerie que d'une incapacité définitive
à répondre à l'appel qui lui est adressé. Il reste que les décisions prises par les associés dans ce genre de situations prêtent le flanc à des critiques et peuvent provoquer
des litiges. Les Srs Laurent, Stehelin et Bouchot avaient signé un contrat de société
le 31 mars 1780. Le versement des fonds demandés par le Sr Stehelin à chacun de
ses coassociés a donné naissance à une contestation  entre les parties. L'acte de
société prévoyait des apports de fonds soumis à condition. Une première tranche
devait être fournie par l'un des associés et complétée, le cas échéant, par les autres
associés en fonction des besoins de l'exploitation qui le nécessiteraient et à hauteur
d'un certain plafond. C'est sur les circonstances qui pouvaient entraîner de facto
l'apport des autres associés que se noue le litige d'autant plus que ces derniers
étaient appelés par la partie adverse à verser leur argent dans un court délai alors
que l'acte de société ne prévoyait qu'un apport « peu à peu ». Ne pouvant satisfaire
la demande qui leur était faite, les associés se voient retirer le bénéfice de l'acte de
société et les biens qu'ils ont apportés alors qu'aucun article de celui-ci ne prévoyait de sanction dans ce cas. Ayant été saisis, les députés du commerce précisent
qu'il devait y avoir une cohérence entre le caractère absolu de l'obligation de verser
des fonds à la société et les conséquences que l'on devait en tirer s'ils n'étaient pas
apportés. N'ayant pas obtenu les moyens qui étaient requis, la dissolution de la
société aurait dû être prononcée63. Cette observation n'était pas indifférente dès
lors que dans cette affaire l'une des parties avait probablement voulu évincer l'autre
pour prendre le contrôle de la société et faire main basse sur ses actifs. C'était
l'intime conviction des députés qui s'exprimait mais elle ne recueillit pas l'unanimité des suffrages, une minorité d'entre eux étant favorable au maintien de la
société après l'exclusion des associés ayant fait défaut64. Le Conseil de commerce
refusa de se p
- rononcer sous le motif que l'exécution d'un acte de société ne relevait
Comme on suppose que ces impositions ne subsisteront pas toujours, on regarde cet avantage du
vendeur comme faisant partie de la vente, & l'on présume que sans cette convention la vente n'auroit
pas eu lieu. »
62. Acte deciété du 13 septembre 1771. Delamotte, Jobert Fourniture de vins et bouche. Art 25 :
(AN MC/ET/XCII/741).
63. C'est bien d'ailleurs la conclusion qui en est retirée dans un autre dossier où l'associé restant
souhaite résilier la société existante en raison du non-respect de leurs engagements par ses coassociés
afin d'en créer une autre. Requête auprès du Conseil de commerce du 13 février 1727. Dupin, Dromgold.
Verreries de Chaillot « Requête tendant à ce que, faute par ses associés en verrerie de remplir leurs
engagements et d'avoir remis les fonds dont ils sont tenus pour son établissement, l'acte de société
passé soit résilié, qu'il lui soit permis d'en contracter un autre et que pour le dédommager, il lui soit
accordé la propriété des maisons et des terrains où elles sont construites ensemble [...] que lesdits
associés soient condamnés envers lui à 20 000 livres de dommages et intérêts sans qu'ils puissent se
pourvoir par aucune remontrance [...] » (AN F1274, MC/MI, 149a, p142).
64. Avis collectif des députés du commerce du 19 janvier 1787 : « [...] sur la demande de Srs
Charles Donat, Laurent & Joseph Laurent frères, maitres de forges & usines [...] en Alsace afin de
cassation de quatre arrêts du Conseil souverain d'Alsace contre eux [...] en faveur du Sr Stehelin
négociant à Bâle & du Sieur Bouchot, maître de forges à Oberbruck [...] Si le versement des fonds étoit
une condition absolue du traité de société, le défaut de versement ne pouvoit qu'opérer la dissolution
de la société avec dommages et intérêts, mais il n'autorisait pas à dépouiller deux associés des objets
qu'ils avoient apportés dans la société, & a annihiler tous les moyens qu'ils pouvaient avoir de faire
valoir leur industrie [...]  » À ce premier avis, répond un second qui s'appuie sur les dispositions
contractuelles sans retenir la disproportion de la sanction et son manque de fondement : « [...] l'on
pense qu'il est d'une souveraine justice que les juges excluent d'une société les associés qui se refusent
à faire les fonds qu'ils se sont engagés à fournir par le traité de société lorsque les autres associés le

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