Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 244

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LES SOCIÉTÉS EN NOM COLLECTIF AU XVIIIe SIÈCLE

ordonnance de police du 23 septembre 1750 interdisant de piller les dessins, ces
derniers l'attaquèrent en justice. Sa réponse convainquit cependant les députés du
commerce saisis de ce dossier. Elle a le mérite de définir une limite dans le temps
à un produit qui serait entré dans le domaine public. « [...] le Sr Papion ne s'est
point procuré clandestinement le dessein dont il s'agit, il ne l'a imité que six ans
après sa première exécution et dans un temps ou l'étoffe que ce dessein avoit
accrédité étoit infiniment repandiuë, employée en meubles dans la capitale et dans
plusieurs autres villes ; [...] Il n'a donc pas pillé ce dessein94 [...] » L'affaire qui
soulevait de nombreuses critiques des marchands ne s'arrêta pas là et dura
presque dix ans. C'est un exemple des longues procédures de l'ancien droit95. Les
conditions de l'exploitation des inventions se sont ainsi progressivement précisées
permettant de bien séparer ce qui ressort du secret de l'invention de ce qui relève
de sa diffusion. Sur ce point, la présence autour de l'inventeur d'associés en nom
collectif rompus au commerce et à la vie des affaires n'a pas été d'un faible secours.
B. LA PROTECTION DES TRANSACTIONS COMMERCIALES
259. Protéger les transactions, c'est permettre à ce qu'elles soient réalisées
dans l'intérêt des parties en respectant le secret des affaires. Les associés en nom
collectif recherchent communément la discrétion dans la réalisation de leurs opérations commerciales. Elles visent d'abord à répondre aux besoins immédiats de leurs
activités. Ils peuvent d'ailleurs les traiter directement avec leurs confrères96. Les spéculations ne leur sont pas inconnues mais sont le plus souvent du ressort des négociants97. Dès que leur commerce prend de l'importance, il est bien rare que les
-marchands ne fassent pas appel à des intermédiaires. Le rôle de ces derniers est
capital. Ils facilitent les échanges entre les parties concernées, hors la vue du public.
Les agents de change sont l'un des rouages essentiels de la vie du commerce : « [...]
il est de la nature du commerce d'emprunter rapidement et f-acilement par
94. Avis des députés du commerce du 10 avril 1778 sur « la demande du Sr Papion entrepreneur
de la manufacture royale de velours de Damas façon de Gesnes établie à Tours, en cassation de l'arrêt du
Parlement de Paris rendû le 15 juillet 1777[ ...] » (AN F12719)..
95. L'avis des députés fut examiné lors de la séance du 4 juin 1778 du Conseil de commerce. « Il
fut délibéré que la requête de Papion seroit comuniqué à Cartier & à la communauté des fabricans de
Tours. L'instruction étant devenue contradictoire en vertu de l'arrêt communiqué, elle fut de nouveau
envoyée aux députés du commerce pour avoir leur avis. A l'exception de ceux de Rouen & de Lyon, ils
[les députés] persistèrent le 5 juillet 1783 dans celui qu'ils avoient donné le 10 avril 1778 [...] L'affaire
fut rapportée à la séance [du Conseil de commerce] du 11 octobre 1783, il fut délibéré que l'arrêt dont
il s'agit seroit cassé, et que le Conseil retiendroit le fonds de la contestation, c'est-à-dire la fixation de
règles à établir par rapport à la propriété des dessins. » Cette question revint devant le Conseil de
Commerce lors de sa séance du 17 mai 1787 à la suite d'une intervention des marchands de Lyon qui
prétendaient ne pas être soumis aux nouvelles dispositions qui avaient été prises se rapportant
notamment à des formalités d'enregistrement des dessins. (AN MCI F12 106).
96. Avis des députés du commerce du 10 septembre 1774. Faillite des courtiers de Marseille. « [...
] dans un petit commerce, dans une place où tous les objets sont rapprochés, dans une ville où tout le
monde se connoît, les courtiers sont inutiles et ordinairement on s'en passe [...] » (AN F12718).
97. Avis des députés du commerce du 1er février 1780. Louis Vivier. Communauté des marchands
de la ville de Rennes. « [...] La liberté du commerce en gros doit être pleine et entière, les opérations
du négociant ne doivent être barrées par aucune entrave, il lui importe qu'on ne pénètre pas le secret
de ses spéculations [...] » (AN F12 720). Elle n'était pas réservée cependant aux seuls négociants pour
leurs spéculations. À titre d'exemple, une déclaration du roi du 26 mars 1768 accordait toute liberté
pour le commerce des cuirs et peaux : « [...] le commerce en est absolument libre, de province en
province, dans toute l'étendue du royaume. » Voir commentaire in Abonnement des édits et arrests pour
la Ville de Paris et toutes les provinces et villes du Royaume, année 1768, p. 7a.

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