Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 25

Introduction

permettent le mieux de saisir leurs différences et leurs similitudes. L'identification
de la société en nom collectif passe par le miroir de celles dans lesquelles il lui
revient de se réfléchir. La deuxième problématique amène à s'interroger sur la
manière dont la société en nom collectif participe aux évolutions et aux bouleversements qui vont traverser la période. La réponse est relativement simple si l'on
s'en tient à la structure juridique de la société en nom collectif. Elle reste inchangée dans ses fondements montrant à la fois sa solidité et ses facultés d'adaptation.
Si la société, en tant que telle, ne connaît pas de transformations, ceux qui l'ont
fondée ne sont pas étrangers à tout ce qui les entoure. Ainsi, les associés dans la
manière dont ils gèrent leurs affaires et conduisent leurs activités représentent
bien leur époque. Leurs parcours ne sont pas toutefois linéaires. Certains documents, privés de leur date, pourraient être attribués à un moment bien antérieur à
celui qui est le leur ou à l'inverse s'inscrire déjà dans le futur. Ceci s'explique par
le fait qu'au cours de cette période, il n'y a pas eu dans ce domaine de véritable
rupture mais plutôt des inflexions. La stabilité de la société en nom collectif n'est
pas un vain mot mais l'outil qu'elle représente est suffisamment malléable pour
satisfaire ceux qui en sont les utilisateurs. La troisième problématique porte sur la
faculté qu'a la société en nom collectif d'assurer sa pérennité. Celle-ci est fondée
sur des principes de transparence contraires à un monde du commerce privilégiant l'opacité. Les associés de la société en nom collectif ne cherchent pas à se
cacher, interviennent ouvertement dans la vie de la société et supportent les conséquences de leur gestion sur leurs biens. Dans un siècle où le goût du secret est
largement répandu, où des pratiques de toutes sortes comme les sociétés « sans
nom » ou l'utilisation d'hommes de paille entretiennent les ambiguïtés, l'écart
paraît considérable. La réalité est cependant moins tranchée. Le flou, l'imprécision et le manque de rigueur font partie de la vie courante et facilite tous les
accommodements55. Il n'est pas de dispositions légales dont on ne puisse d'ailleurs chercher à s'affranchir avec un peu de ténacité ou d'ingéniosité. Les usages
peuvent venir, le cas échéant, y suppléer56. Si ce climat particulier est une des
caractéristiques de la vie des affaires au xviiie siècle, il est aussi contrebalancé dans
les sociétés de personnes par les relations de confiance qui peuvent exister entre
les différents acteurs du commerce. C'est d'ailleurs un des atouts de la société en
nom collectif et qui forge sa capacité de résistance.
14. La définition de cette triple problématique a conduit à suivre plusieurs
lignes directrices dans le cadre de la réalisation de ces travaux. La première vise à
montrer la manière dont la société en nom collectif pouvait servir les besoins des
marchands et des négociants de l'époque. La seconde était de déterminer les
documents qui pouvaient le mieux l'exprimer et la façon dont les associés pouvaient faire face aux difficultés qu'ils rencontraient. La troisième avait pour
55. H. Lévy-Bruhl « Les différentes espèces de sociétés de commerce en France aux xviie et
xviiie siècles », RHD., 1937, p. 330-331. « [...] notre ancien droit avait en matière de sociétés des idées
singulièrement confuses. Si, à la rigueur, le concept de société générale présentait une certaine fermeté
de contours - bien relative, du reste - les notions de société anonyme et surtout de société en
commandite étaient des plus incertaines. Quant aux sociétés par actions, elles étaient ignorées de la
législation et de la doctrine. »
56. V. Simon, art cit, « L'inscription des usages commerciaux dans l'ordonnancement juridique
moderne », p. 287 : « Selon Savary, l'usage semblant en apparence contredire une loi antérieure ne serait
en réalité que la manifestation tangible d'un phénomène de désuétude abrogatoire de celle-ci. » p. 298 :
« Assimilés à la loi du prince, les usages des négociants sanctionnés par le juge font ainsi l'objet d'une
description et d'une analyse particulière de la part de la doctrine d'Ancien Régime. »

978-2-275-08824-2__DOCFILE__4e_couverture.indd 11

16/12/2020 11:58:19

Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle

Table des matières de la publication Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle