Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 284

270

LES SOCIÉTÉS EN NOM COLLECTIF AU XVIIIe SIÈCLE

cependant sur ces pieces que les arbitres ont donné leurs sentences [...] » Percevant que l'affaire risque de n'avoir pas été jugée avec toute l'équité voulue, les
députés du commerce renvoie à la Chambre de commerce de Bayonne le soin de
reprendre le dossier dans sa totalité71. Le troisième cas de figure porte sur un type
de fraudes collectives pratiquées sur une très grande échelle. Elle est dénoncée le
8 août 1731 dans un document adressé aux députés du commerce et appelant à
plus de sévérité pour lutter contre les abus72. L'exemple est donné de malversations sur les livres de compte. Les fraudeurs profitent de la négligence des juges
consuls qui « paraphent les livres en blanc qu'on leur présente sans nulle autre
précaution, et sans les tenir de registre (ils ne sont pas même tenus de le faire) »,
pour se doter d'un large éventail de livres. Chacun peut ainsi façonner à sa convenance les livres qu'il lui plaît de produire et tromper son monde à volonté : « Il y
a des marchands qui ont plusieurs livres de même nature, en sorte que lorsqu'ils
tombent en faillite, ils en remplissent un tout de suite de toutes les parties qu'il
leur plaît suivant l'estat présent de leurs affaires et suppriment aussy tout ce qui
leur plaît, c'est ce qu'ils remaitent au greffe de la jurisdiction consulaire, et, voilà
la raison pour laquelle ils n'en veulent remaitre qu'un, sous prétexte que c'est leur
journal qui contient la généralité de leurs affaires. Il est de notoriété publique que
le cas arrive souvant et l'on est tout surpris, tout un volume écrit d'une même
main, de la même ancre et de la même plume, tout comme l'on pourroit voir dans
une copie. C'est un moyen sûr pour pratiquer toute sorte de fraude en se mettant
à labry de la poursuite criminelle ils cachent aux créanciers tous les effets qui leur
plait de cacher et les créanciers qui se voient sans recours signent sans peine le
concordat qui leur est présenté73.  » La fraude sur les registres trouvera sous
d'autres formes de nouveaux adeptes. Parmi les nombreuses propositions qui
sont transmises aux députés du commerce figure en 1780 un projet pour introduire un droit de cote et de paraphe sur les livres journaux des marchands. À cette
occasion, les députés du commerce décrivent sans ambages une situation qui rappelle celle qui vient d'être décrite et précisent que dans certains esprits le respect
de l'article 3 du titre III de l'ordonnance du commerce est tombé en désuétude74.
71. Avis  final des députés du commerce du 25  mai  1762 : « Les Députés du Commerce qui
croyent devoir supprimer la discution des contestations entre les parties, se borneront a dire qu'ils sont
d'avis qu'il y a lieu d'accorder au Sr Forcade² le renvoy par lui demandé devant des arbitres autres que
ceux qui ont rendu leurs deux sentences arbitrales du 11 juin 1758, [...] les députés estiment que la
revision de cette affaire doit être renvoyée à la Chambre de Commerce de Bayonne pour faire l'examen
des pièces et des preuves nécessaires, ouïr les parties et donner son avis. » (AN F12 713).
72. Archives de la juridiction consulaire de Paris. Doc n° 5084, s d. Envoi le 8 août 1731 de ce
document, non signé, aux députés du commerce : « La désolation generalle que cause dans la province
de Guienne le grand nombre de banqueroutes de toute espèce est sans doute un des objets qui mérite
le plus d'attention du ministaire public [...] (AP D1B6 28). Voir infra § 385.
73. id (AP D1B6 28)
74. Avis  des députés du commerce du 12  septembre 1780. Compagnie pour le Commerce du
Nord. « Le marchand de mauvaise foy qui médite et prépare sa banqueroute peut substituer un faux
journal au véritable ou falsifier celui cy en détachant les feuilles qu'il remplace par d'autres dont les
écritures fabriquées suivant ses vûës, couvrent ses procédés frauduleux et le mettent à l'abry de la
punition. C'est pour prévenir des pratiques si odieuses que l'article 3, titre III des livres de l'Ordonnance
de 1673 ordonne que les livres des négociants et marchands tant en gros qu'en détail seront signés [...]
Cette disposition qui s'entend seulement du livre journal n'est plus observée, les commerçants l'ont
reputée gesnante et ne s'y conforment pas, les juges consuls n'ont point tenû la main à son exécution,
et le défaut d'observation a meme été toléré par des arrêts. De plus, bien des gens pretendent qu'il n'est
point a regretter que cette disposition soit tombée en desuetude, que la cotte et paraphe n'est pas aussy
utile quelle l'avait parû aux rédacteurs de l'ordonnance parce que le frippon qu'ils ont voulu

978-2-275-08824-2__DOCFILE__4e_couverture.indd 270

16/12/2020 11:58:38
Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle

Table des matières de la publication Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle
