Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 36 - Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle - 83

Titre 2

UNE SOCIÉTÉ DE COMMERCE1

85.  À défaut d'être ainsi qualifiée par l'ordonnance, l'expression « société de
commerce » est utilisée dans les actes régulièrement2. C'est une manifestation de
la distance qui s'est progressivement établie entre la société « civile » et la société
commerciale sans qu'il faille donner au terme de société « civile » le sens qui lui
sera donné plus tard. Il s'agit dans le contexte de l'époque de sociétés marquées
fortement par leur caractère familial et où les actes de société feront référence à
des événements privés comme par exemple un mariage. La société « commerciale » se caractérisera de son côté par le fait qu'elle développera une activité qui
lui appartiendra et qu'elle réunira des personnes exerçant un métier en qualité de
« professionnel ». C'est aussi une reconnaissance des particularités du commerce
et du droit spécifique qui est attaché aux activités qu'il recouvre3. Pour mieux
apprécier la nature de cette société de commerce, il faut en connaître les acteurs
(Chapitre 1) et mesurer la manière dont ceux-ci vont conduire dans ce cadre un
projet commun (Chapitre 2) ainsi que sa formalisation (Chapitre 3).
1. Le Dictionnaire de l'Académie françoise, op cit, t  2, p.  24b, v°commerce  : « Trafic, négoce de
marchandises, d'argent, soit en gros, soit en détail. » C.-J. de Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique,
op cit, t 1, p. 300a : v°commerce : « signifie le négoce & le travail qu'on fait des marchandises, pour profiter
sur la vente ou l'échange qu'on en fait » Cette notion d'échange se retrouve au xixe siècle. J.-P Houzé,
L. Barré, Encyclopédie nationale, Paris, 1856, t 2, p 253, v°commerce : « Une des branches de l'activité
humaine qui consiste dans le sacrifice que l'on fait d'une valeur pour en obtenir une autre en échange. » Se
référant à l'ordonnance du commerce de 1673, M. Hérail dans l'ouvrage intitulé Droit des Affaires publié
sous la dir d'É. Richard, ( §181, p. 148) souligne également cette notion d'échange : « [...] il n'est pas
nécessaire que la personne soit intégrée au système corporatif et c'est bien plutôt le fait de marchandise et
la profession entendue comme le fait d'acheter pour revendre qui va jouer. Dès lors se pose un épineux
problème d'interprétation dû essentiellement à la question du " fait de marchandise " . Sur ce point la
doctrine restait assez floue. » Voir aussi à ce sujet : A. Mages, « La place du droit commercial chez nos
juristes anciens (xvie-xviiie siècles) » in Mémoires de la Société pour l'Histoire du Droit et des Institutions des
anciens pays bourguignons, comtois et romands, 2013. p 231-234, sur la définition du commerce.
2. Acte de société du 9 juillet 1719. « Claude Jacques de Bierne, marchand rue des Fourreurs et Pierre
Lucas, marchand rue de la Verrerie, lesquels ont dit et déclaré que par acte sous signature privée fait entre
eux [...] reconnu par devant Diepont et Le Meignan, le 27 juillet du présent mois, ils ont contracté société
de commerce [...] » (AP D3B6 20). Acte de société du 30 juin 1781. Balbedat, Simon. « Lesquels désirant
former entr'eux une société de commerce en ont fait et arrêté les traités et conditions de la manière et ainsi
qu'il suit [...] » (AP D3B6 82). Acte de société du 16 avril 1793, Bourgeois, Fallois, Egréz, Hurelle : « Nous
soussignés, désirant, former entre nous une société de commerce [...] » (AP D3B6 97).
3. C-J. Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, op cit, t 1, v° commerce, p. 300a. Après avoir
rappelé que : « la bonne foi est l'âme du commerce », l'auteur précise : « C'est la raison pour laquelle
les ordonnances de nos Rois ont introduit plusieurs choses qui sont particulières aux affaires du
commerce, soit pour l'abréviation des procédures qui s'y doivent faire, soit pour la facilité de procurer
avec célérité le payement des sommes qui sont dûes pour raison de commerce. » Voir aussi à ce sujet :
P-B. Boucher, Les principes du droit civil proprement dit et du droit commercial comparés, Paris, an xii,
1804, Préface, t 1, p. XII à XV, où l'auteur au tout début du xixe siècle tire les leçons des évolutions qui
ont eu lieu lors du siècle précédent et qui consacrent la singularité du droit commercial.

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