Bibliothèque de droit privé - Tome 606 - Le fait de la création en droit d'auteur français - 104

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LE FAIT DE LA CRéATION EN DROIT D'AUTEUR FRANÇAIS

« le travail de l'homme [y] est « disqualifié » en un travail mécanique. Mieux même
[que] l'œuvre ne pouvant se réaliser que par des moyens artistiques, l'utilisation en
soi d'une machine ne peut véhiculer la pensée de l'artiste. Autrement dit, [que] la fin
[...] renvoie aux moyens [...] et les moyens à la fin. Le raisonnement récursif est à
la fois justification et téléologie »139. Autrement dit, le moyen photographique renverse la place de la fin dans l'« action volontaire ». Mais la réalité apparaît un peu
plus complexe : « Comme l'imprimerie, la photographie n'a pas totalement renoncé
aux possibilités de choix humain [...] le véritable triomphe de la photographie
dépendait du respect du photographe pour son matériau, de l'intérêt qu'il portait à
l'objet qu'il avait sous les yeux et de son aptitude à choisir, parmi les milliers d'images
défilant devant lui et qu'affectaient le moment de la journée, la qualité de la lumière,
le mouvement, la sensibilité de ses plaques ou de sa pellicule, les contours de son
objectif, le moment précis où tous ces facteurs s'accordaient à ses propres fins. C'est
à cet instant du choix décisif - qui peut être tantôt celui où l'on a pris la photographie, tantôt celui où l'on développe après coup une centaine de photographies
médiocres - que la personne humaine devient à nouveau déterminante ; et c'est à cet
instant, que le produit de la machine devient une véritable œuvre d'art parce qu'il est
le reflet de l'esprit humain »140.
129. Liberté et « choix » - La place importante du « choix » dans le processus de création photographique n'est pas contestable mais il doit être pris (dans la
perspective juridique) dans le même sens que les « choix » de Zeuxis, c'est-à-dire
des choix subordonnés à des fins (voir supra n° 122 et s.). Dans sa conférence
Standardisation, reproduction et choix, Mumford tranche ainsi la question :
« Avoir le bon dosage de la bonne quantité au bon moment au bon endroit pour le bon
but est l'essence de la moralité ; et de la manière dont cela abouti, il s'agit peut-être
de la plus importante des conditions de la jouissance artistique. Ici plus qu'ailleurs
tiennent les mots que Nietzche attribue à Zarathoustra : « Choisir c'est créer ».
Oui : choisir c'est créer. « Entendez cela vous les créateurs ! » »141 C'est alors que le
« choix » dans le processus créatif, peut être rapproché (sous perspective personnaliste) de la notion de « moment propice » (kairos) développée en poïétique par le
professeur Moutsopoulos (voir infra n° 375 et s.) : « La liberté suppose la faculté
de choisir. Effectivement, la kairicité, par le fait qu'elle recèle une infinité de kairoi
potentiels, se prête à encourager des choix qui scandent le cheminement de la
conscience et jalonnent la progression de l'existence vers sa plénitude. Plus la
conscience se nourrit de kairoi librement choisis, plus elle intervient dans l'examen
des situations pour les faire évoluer à son avantage, et plus elle acquiert la maîtrise
de sa puissance et la technique d'imposer ses propres règles sur l'évolution de la réalité qu'elle domine désormais à sa guise en la forçant à se plier à sa volonté [...] »142.
130. Personnalisme des solutions prétoriennes de principe en matière de photographie - L'instantanéité du « choix » n'empêche pas la liberté : c'est l'existence
d'une finalité d'expression personnelle dans le « souhait » du photographe qui est
le caractère déterminant du « fait de la création » (peu importe l'instantanéité du
139. B. Edelman, Le droit saisi par la photographie, Paris, France, Flammarion, 2001, p. 45.
140. L. Mumford, Art et technique, op. cit., p. 109 (soulignés par nous).
141. L. Mumford, Art and technics, New York, Etats-Unis d'Amérique, Columbia University
Press, 2000, p. 110. (traduit par nous en substitution de la traduction française (L. Mumford, Art et
technique, op. cit., p. 126) qui traduit « choosing » par « évaluer »).
142. E. Moutsopoulos, Kairicité et liberté, Athènes, Grèce, Académie d'Athènes - Centre de
recherche sur la philosophie grecque, 2007, p. 154.

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