Bibliothèque de droit privé - Tome 606 - Le fait de la création en droit d'auteur français - 73

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L'ACCEPTION SUBJECTIVE DE LA CONCEPTION DE L'AUTEUR

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« (opposé à sensible) [...] qui ne peut être connu que par l'intelligence, et non par
les sens » (2) dont l'accès intellectuel n'est possible qu'à travers la captation de la
« forme sensible » qui en est le vecteur156 et sur laquelle le juge (ou l'amateur) doit
d'abord se prononcer pour affirmer l'existence de l'« œuvre » (1).
1. L'existence sensible et intelligible de l'œuvre
81. Entre sensible et intelligible : le critère d'« originalité » - La « conception
de l'auteur » est une qualité purement intelligible de l'« œuvre de l'esprit ». La
démonstration de sa présence dans l'objet considéré requiert, à partir de la « forme
sensible » qui en est le vecteur, de faire reconnaître au juge l'existence d'une
« forme intelligible » qualifiante157, c'est-à-dire, dans le vocabulaire prétorien classique, une « empreinte de la personnalité de son auteur »158. Sous cette perspective,
le juge assume une double tâche en matière de détermination de l'existence des
« œuvres de l'esprit ». La première embrasse le vecteur sensible de l'« œuvre » et la
seconde sa dimension intelligible. Dans un premier temps, dire qu'une « œuvre »
est « originale » (suivant le vocabulaire judiciaire établi) revient à dire que son
contenu intelligible est accessible (au moins en ce qui concerne la partie litigieuse)
par le truchement de son vecteur sensible. Dans un second temps, le juge assume
le rôle de distinguer au sein de l'intelligible ce qui participe de la « forme d'expression » puisque, par hypothèse, tous les éléments intelligibles contenus dans la
chose ne procèdent pas nécessairement de l'« empreinte » (certains éléments de
nature intelligibles peuvent être présents par contingence comme, par exemple,
une « idée » ou une « destination technique » (voir infra n° 161 et s. et n° 204 et s.)).
Ainsi définie, dans sa formule prétorienne classique d'« empreinte de la personnalité » (« expression » de la « conception de l'auteur »), l'« originalité » est un critère
personnaliste, par lequel le juge prononce l'existence de l'« œuvre ».
82. Critère de l'existence et non de l'essence - Le professeur Larrieu, par
exemple, déplore que les juges mêlent la question de la caractérisation de l'objet
avec celle de l'« originalité »159. Une telle confusion semble résulter de ce que le
critère d'« originalité » est pratiqué hors-sol par les juges alors que le critère est
tributaire des définitions de l'« œuvre de l'esprit » comme du « fait de la création ».
Au fond, le critère d'« originalité » n'est plus le pur outil prétorien qu'il avait pu
être sous l'empire des décrets-lois révolutionnaires, car, depuis la loi de 1957, l'article 7 (aujourd'hui article L. 111-2 du Code de la propriété intellectuelle) impose
156. « Qui peut être perçu par les sens, opposé à Intelligible » Ibid., p. 982, « 1, sensible, 1°, A ».
157. Pro P. Gaudrat, « Réflexions sur les formes des œuvres de l'esprit », op. cit., p. 207 et s. ;
contra « Par « forme », on désigne l'aspect visible de l'œuvre en matière d'arts plastiques et d'arts
appliqués et par « expression », on désigne le texte des œuvres littéraires et le dessin des créations
graphiques » A. Bertrand, Droit d'auteur, op. cit., p. 270, n° 107.23 ; « L'œuvre est la forme sensible
sous laquelle la création se manifeste et devient accessible à tous » R. Plaisant, « Fasc. 302 : Propriété
littéraire et artistique, œuvre protégée », Juris-Classeur Propriété littéraire et artistique, n° 4.
158. « L'originalité n'est pas un critère objectif en ce qu'elle ne se réduit pas à apprécier la seule
nouveauté de la forme. Il ne s'agit pas seulement de vérifier si la forme en cause existait d'ores et déjà
mais d'apprécier si elle manifeste son origine, laquelle n'est rien d'autre que la personnalité même de son
créateur » W. Dross, Droit civil. Les choses, op. cit., p. 854, n° 470.
159. Au sujet d'un arrêt de la CA Versailles, 14 janv. 2004, 14e ch., n° 03/08582, SA Marie Claire
Album c/ T. Hamel : « [La] formalisation de l'idée permet de caractériser l'objet de la protection, d'en
cerner les contours. La Cour cite [...] une série d'illustrations de cette concrétisation de l'idée, en les
mêlant malheureusement à des considérations sur l'originalité de l'œuvre, qui sert trop souvent
d'échappatoire dans ce genre de débat » J. Larrieu, « Les frontières de la propriété : les idées », op. cit.,
p. 111.

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