Bibliothèque de droit privé - Tome 606 - Le fait de la création en droit d'auteur français - 84

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LE FAIT DE LA CRéATION EN DROIT D'AUTEUR FRANÇAIS

dans le critère, il restait difficile d'envisager la qualification d'« œuvre » pour un
logiciel et la loi aurait dû rester lettre morte. Mais, le juge s'essaya à une approche
nouvelle de l'« originalité »17 qui, expurgée de ses références à la personnalité de
l'« auteur », réduisit le « fait de la création » au fait de choisir (1). Si la solution
retenue satisfait (peut-être) l'exigence de protection économique, elle reste une
impasse du point de vue de la cohérence interne du droit d'auteur (2).
1. L'émergence d'une solution prétorienne relative au logiciel
97. Solution de l'arrêt Pachot et inflexion du critère en faveur du logiciel - Dans
un arrêt du 7 mars 1986, la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière18 reconnaît (par anticipation, sous l'empire du droit antérieur à la réforme de 1985) un
logiciel comme « œuvre de l'esprit ». La Cour y considère « [...] qu'ayant recherché,
comme ils y étaient tenus, si les logiciels [...] étaient originaux, les juges du fond ont
souverainement estimé que leur auteur avait fait preuve d'un effort personnalisé allant
au-delà de la simple mise en œuvre d'une logique automatique et contraignante et que
la matérialisation de cet effort résidait dans une structure individualisée ; qu'en l'état
de ces énonciations et constatations, [...] la Cour d'appel, [...] a ainsi retenu que les
logiciels [...] portaient la marque de son apport intellectuel [...] »19. L'« originalité »
se déduit alors d'un « effort personnalisé », matérialisé dans une structure portant
« la marque [d'un] apport intellectuel ». Cette solution a pu « [...] apparaître [...]
comme une rupture majeure », tant pour certains « [...] l'objectivation est évidente »20.
Mais le personnalisme reste latent dans cette solution21. L'adjectif « personnalisé »
renvoie toujours à la personne de l'« auteur » (si ce n'est à sa personnalité) et rappelle l'approche subjective dont le juge ne semble pas être totalement parvenu à se
départir (si tant est que cette perspective l'animât). La formule « apport intellectuel » n'est pas en reste de la critique puisque l'intelligence constitue, à n'en point
douter, « une composante de la personnalité »22.
98. Apparition de la notion de « choix » dans la jurisprudence sur le logiciel -
Reste qu'apparaissait ainsi, une approche plus objective où couvait déjà la notion de
« choix ». Le juge du droit n'emploie pas le terme mais avalise le juge du fond qui y
avait eu recours en jugeant « [...] que l'élaboration d'un programme d'ordinateur était
une œuvre de l'esprit originale dans sa composition et son expression allant au-delà
d'une simple logique automatique et contraignante, qu'il ne s'agit pas d'un mécanisme
intellectuel nécessaire ; qu'en effet, les analystes programmeurs avaient à choisir
comme les traducteurs d'ouvrages entre divers modes de présentation et d'expression ;
que leur choix portait ainsi la marque de leur personnalité »23. Il a ainsi pu être déduit
17. Voir pour une approche critique de la « construction prétorienne » : P. Gaudrat, « La
protection des logiciels par la propriété littéraire et artistique (Bilan et perspectives) », op. cit.,
p. 135 et s.
18. Cass. ass. plén., 7 mars 1986, n° 83-10.477 ; Bull. civ., AP., n° 3 ; D., 1986, p. 405,
concl. X. Cabannes et note B. Edelman ; RTD com. 1986, p. 399, obs. A. Françon ; JCP G 1986, n° 26,
II, 20631, obs. J.-M. Mousseron, B. Teyssié et M. Vivant ; RIDA 1986, n° 129, p. 136, note A. Lucas.
19. Ibid. (souligné par nous).
20. M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d'auteur et droits voisins, op. cit., p. 293, n° 289.
21. Pro P. Gaudrat et F. Sardain, Traité de droit civil du numérique : Droit des biens, op. cit.,
p. 219-220, n° 322.
22. Voir en ce sens, considérant toutefois que l'« auteur » doit être « tout entier présent dans son
œuvre » (plus exigeant que le seul caractère « « intellectuel » [qui] n'est qu'une composante de la
personnalité ») : M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d'auteur et droits voisins, op. cit., p. 293, n° 289.
23. CA Paris, 4e ch., sect. A, 2 nov. 1982 ; Gaz. Pal. 1983, n° 61, note J.-R. Bonneau ; RIDA 1983,
n° 115, p. 148 (soulignés par nous).

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