Bibliothèque de droit privé - Tome 606 - Le fait de la création en droit d'auteur français - 99

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L'ACCEPTION OBJECTIVE DE LA CONCEPTION DE L'AUTEUR

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fait que l'anecdote, que l'on doit à Vitruve109, renseigne sur les manifestations
embryonnaires d'un genre d'appréhension juridique des « œuvres » dès l'Antiquité,
elle évoque immanquablement le fait que la « nouveauté » est inhérente à la création bien qu'elle n'en soit pas l'essence puisque cette « nouveauté »110 est un corollaire de l'« empreinte de la personnalité » mais que l'inverse n'est pas vrai111. Certains
spécialistes de sciences cognitives admettent bien un type de créativité dans la combinaison nouvelle d'éléments préexistants (une créativité « combinatoire » comme
la nomme la professeure Boden112 qui consiste en la « [...] combinaison particulière d'éléments existants »113). Mais alors, en accord avec la critique platonicienne
des arts mimétiques, il ne faudrait voir en l'artiste qu'un technicien, un artisan
habile dont la maîtrise de l'art (technè) permet de tromper l'observateur en produisant le faux à partir du vrai114. Il devient ardu d'introduire la notion d'« originalité » dans cette acception des arts qui conçoit l'artiste comme un technicien (plus
ou moins apte à donner l'illusion du vrai par la maîtrise de sa technè).
123. Solution au problème de l'élection - Alors comment faut-il comprendre
l'anecdote de Pline à propos de Zeuxis ? Il faut y entendre que pour peindre
Hélène, Zeuxis choisit mais que « [...] cela ne doit pas s'entendre comme la synthèse de quelques éléments simples et publiquement reconnus, comme si Zeuxis, en
voyant chez une des vierges une partie de la perfection l'avait recopiée sur sa toile
telle qu'il la voyait dans l'original, pour passer [...] à une autre perfection en passant à une autre vierge, et ainsi de suite [mais plutôt comme si,] après avoir
emprunté aux différents corps la proportion qui était universellement la plus belle
et après avoir discerné le rapport de chaque partie avec la beauté qu'il imaginait en
sa pensée, Zeuxis [était] parvenu, à force d'ajouter, de retrancher et d'additionner
les proportions, à intégrer ces éléments dans cette belle totalité qu'il imaginait en sa
109. Vitruve, De l'architecture. Livre VII, Paris, France, Les Belles Lettres, 1995, p. 2-4, n° 4-7.
110. Voir sur l'identité entre « originalité » et « nouveauté » : C. Caron, Droit d'auteur et droits
voisins, op. cit., p. 81-82, n° 85-86 ; A. Lucas et P. Sirinelli, « L'originalité en droit d'auteur », op. cit.,
p. 256-257, n° 17 ; P. Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, op. cit., p. 51-52, n° 35 ; O. Laligant,
La véritable condition d'application du droit d'auteur, op. cit., p. 32 et s. ; N. Walravens, L'œuvre d'art
en droit d'auteur, op. cit., p. 419 et s., n° 379 et s.
111. Pro « L'exigence de transformation souligne la requête de nouveauté de la forme du produit,
laquelle ne saurait s'obtenir sans travail. Si la « transformation » est le signe de la « production », la
forme du produit doit nécessairement être nouvelle par rapport à celle qu'affectait initialement la
substance ouvrée. On voit apparaître un premier niveau de « nouveauté », caractéristique du processus de
production ; on voit, corrélativement, émerger la notion de « forme » qu'elle affecte » P. Gaudrat,
« Propriété littéraire et artistique (1° Propriété des créateurs) », op. cit., n° 20 ; « Production et
reproduction sont deux opérations de nature juridique (civiliste) identique, indépendantes, reliées par la
forme des produits : elles aboutissent à des produits de forme semblable. On voit apparaître ici un usage
différent de la nouveauté. Ce qui est comparé n'est plus la forme des matières premières par rapport à celle
du produit, c'est la forme des produits entre eux ; autrement dit, le résultat d'opérations de production
parallèles et différentes. Ce n'est plus une nouveauté interne à un seul processus de production ; la
nouveauté est externe, comparative, relative... C'est la nouveauté à laquelle fait allusion habituellement
la propriété industrielle pour justifier la soustraction de l'invention au domaine public. Alors que la
nouveauté interne de la forme était le critère de la production, la nouveauté externe est le critère de
l'absence de reproduction ; d'où le droit d'auteur déduit l'absence de tribut, mais d'où le copyright déduit
l'éligibilité à la protection de l'objet produit (concept d'originality) » Ibid., n° 24 ;
112. M. Boden, « Computer Models of Creativity », AI Magazine, 2009, vol. 30, p. 23-24.
113. J. Larrieu, « Le robot et le droit d'auteur », op. cit., p. 471.
114. Sans doute est-il intéressant de noter que Zeuxis reste, dans la tradition, comme l'inventeur
du trompe l'œil en peinture (Pline l'Ancien, Histoire naturelle. Livre XXXV, Paris, France, Les Belles
Lettres, 1985, paragraphe XXXVI, p. 63 et s.). Quoi de plus logique, donc, que de trouver cristallisée
sur sa tête la question de la composition des « œuvres » plastiques et de leur origine spirituelle ?

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