Bibliothèque de droit privé - Tome 607 - La plus-value - 117

LA NATURE PRÉCAIRE DE LA PLUS-VALUE

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même auraient-ils servi à l'acquisition d'un bien. Si une telle acquisition a lieu, la
valeur des deniers doit être figée dans le bien acquis afin de la distinguer de l'éventuelle plus-value dont le bien bénéficierait321.
En comparaison avec la présentation du mécanisme de la dette de valeur au
sein de l'article 1099-1 du Code civil, l'exclusion ou l'inclusion des évolutions de
la valeur d'un bien en fonction de ses différentes sources dans le rapport et la
réduction dépassent la logique indemnitaire de la dette de valeur. À titre d'exemple,
entre 1998 et 2010, les prix des logements anciens ont augmenté de 141 % tandis
que les prix à la consommation ont subi une inflation de 21 %322. Sur la base de
ces données économiques, le rapport en 2010 d'un immeuble donné en 1998 ne
portera pas seulement sur la valeur du bien corrigée des effets de l'érosion monétaire. Il comprendra aussi la plus-value produite par la hausse du marché. Il ne
s'agit donc plus d'indemniser la succession des effets de l'érosion monétaire, mais
de l'associer à la plus-value du bien323.
Deuxièmement, comme le fait remarquer Monsieur Sériaux, l'interprétation
jurisprudentielle est d'autant plus audacieuse que le rapport dont il est question à
l'article 860 du Code civil n'est pas un rapport en nature. Lorsque le rapport en
nature sous-tend un changement de propriétaire du bien donné lors du retour à la
succession, le rapport en valeur est un allotissement anticipé du bénéficiaire de la
libéralité qui conserve le bien au prix d'une indemnité de restitution à l'égard de
la succession324. La difficulté posée par l'article 855 du Code civil s'efface donc car
le gratifié est propriétaire du bien. Or, cela implique d'écarter l'article  855 du
Code et de faire supporter au gratifié les dégradations et moins-values survenues
depuis la libéralité325. Corrélativement à cette règle, les accroissements de valeur
devraient être acquis au gratifié sans distinction quant à leur origine. Par comparaison avec le régime des fruits, on remarquera que c'est dans ce sens proche
qu'une partie de la doctrine interprète l'article  928 du Code civil : lorsque la
réduction d'une libéralité est effectuée en nature, le donataire est tenu de restituer
« les fruits de ce qui excède la portion disponible, à compter du jour du décès du
donateur, si la demande en réduction est faite dans l'année ; sinon, du jour de la
demande ». Inversement, lorsque la réduction est effectuée en valeur, les fruits
devraient être conservés326.
133.  Contrariété avec la nature précaire de la plus-value. Dans la lignée de ces
critiques, la prise en compte de la plus-value lors du rapport et de la réduction est
321. On précisera que la jurisprudence s'est prononcée en ce sens à l'égard de la plus-value
résultant d'une amélioration apportée par le donataire : Cass.  1re  civ., 18  oct.  1994, n°  91-22.330.
À notre connaissance, aucune décision n'a affirmé cette position avec fermeté à l'égard des plus-values
issues d'une autre cause.
322. P.  Gallot, E.  Leprévost et C. Rougerie, « Prix des logements anciens et loyers
entre 2000 et 2010 », INSEE Première, n° 1350, mai 2011. V. pour l'indice le plus récent : https://www.
insee.fr/fr/statistiques [dernière consultation le 19 mai 2018].
323. A.  Sériaux, Successions et libéralités, Ellipses, 2012, n° 95 et n° 107.
324. A. Sériaux, « Res perit domino », Mélanges en l'honneur du professeur Yves Serra, Dalloz,
2006, p. 387. Du même auteur : Successions et libéralités, Ellipses, 2012, n°95, n°107
325. En application de l'adage res perit domino selon le professeur Sériaux : A. Sériaux, « Res
perit domino », Mélanges en l'honneur du professeur Yves Serra, précit., p. 387.
326. B. Beignier, R. Cabrillac et H. Lécuyer, Droit des Régimes Matrimoniaux, Successions
et Libéralités, Lamy, 2013, n°  258.89, 258.97. Pour une présentation du régime : B.  Vareille,
« Nouveau rapport, nouvelle réduction », in Premières vues sur la réforme des successions et des
libéralités (loi n° 2006-728 du 23 juin 2006), D. 2006.2667.

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