Bibliothèque de droit privé - Tome 607 - La plus-value - 152

134

LA PLUS-VALUE

1.	 La valeur consacrée par le temps : le temps témoin de l'existence
d'une plus-value
176.  Approche chronologique de la valeur. Malgré la complexité de la notion
de temps et les mises en garde philosophiques contre toute tentative de définition11, il est possible de définir simplement cette notion lorsqu'elle est saisie dans
une dimension chronologique. Sous cet aspect, le temps est généralement compris
comme un milieu structuré entre le passé et l'avenir au sein duquel le monde évolue12. De là surgit l'une des fonctions principales du temps : c'est un témoin des
transformations subies par les choses, puisqu'en imprimant sa présence dans leur
état, le temps concrétise un « changement selon le moment où l'on se place »13. On
ne s'étonnera donc guère qu'appliquée à la valeur, cette dimension du temps soit
indissociable de l'évaluation, puisque le temps « témoin » marque la perception
du bien selon les instants pour permettre d'identifier ses changements14. En ce que
le temps se conjugue au passé comme au futur, il autorise une vision prospective
des richesses appréhendées, au moment présent, comme autant de virtualités productives d'un bien15. On explique ainsi que le droit comptable, qui suppose d'enregistrer et de classer des valeurs, contient un principe dit de « continuité », lequel
impose des comparaisons périodiques de la valeur des actifs afin d'identifier leur
valeur « réelle », autrement dit, leur valeur au jour de l'évaluation16.
177. Approche chronologique de la plus-value. De toute évidence, dans sa
dimension fonctionnelle, le temps ne produit aucune valeur puisqu'il rend compte
de son évolution. Le temps « témoin » doit donc être soigneusement distingué du
temps « satisfactoire » en ce qu'il n'affecte pas directement la production d'une
11. Du latin tempus (F. Gaffiot, Dictionnaire latin français - Le grand Gaffiot, Hachette,
nouv.  éd.  2000., V° « Tempus ») le temps est défini dans le langage courant comme une « notion
fondamentale conçue comme un milieu infini dans lequel se succèdent les événements », un « mouvement
ininterrompu par lequel le présent devient le passé » (Le grand Larousse illustré, Larousse, 2019,
V° « temps »). Pour la majorité des auteurs, le temps est insaisissable. On notera la réponse de SaintAugustin à la question de sa définition : « Si personne ne me le demande, je le sais. Si quelqu'un me
pose la question et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus » (Saint-Augustin, Les confessions,
Livre XI, §XIV, trad. P. Cambronne, in Œuvres, t. I, La pléiade, 1998, p. 1040-1041). Pour Aristote,
le temps « n'est absolument pas, ou est à peine et confusément », car « quelque chose de lui est passé et
n'est plus, alors que quelque chose de lui est à venir et n'est pas encore » (Aristote, Physique, par
P. Pellegrin, Garnier-Flammarion, 1999, IV, 10, 217b, 30).
12. A. Etienney, La durée de la prestation. Essai sur le temps dans l'obligation, op. cit., n° 4.
13. A. Etienney-de Sainte Marie, « Le temps et le contrat », in Le temps et le droit, Travaux de
l'association Henri Capitant. Journées nationales de Dijon. Tome XVII, Dalloz, n°4 . Savatier notait
ainsi que « le temps n'est pas seulement le siège des comptes ; par son emprise sur les valeurs comptables,
il devient un élément de ces comptes » : R. Savatier, Le droit comptable au service de l'homme, Dalloz,
n° 135.
14. V. par exemple pour les plus-values réalisées par la cession d'un immeuble appartenant à un
particulier : F.  Douet, Précis de droit fiscal de la famille, 19e  éd., LexisNexis, 2020, n°  746  et  s. ;
CGI art. 150-V. Le temps-témoin est aussi présent en droit patrimonial : c. civ. art. 555, 1469, 860, 922.
15. A. Etienney-de Sainte Marie, « Le temps et le contrat », précit., n°30 ; P. Hebraud,
« Observations sur la notion de temps dans le droit civil », précit., n°31 ; R. Savatier, Le droit
comptable au service de l'homme, op.  cit., n°139. La comptabilité fournit les moyens pour observer
l'évolution de la valeur d'un actif : P. Lassègue, « Comment un être juridique est transformé par sa
mesure : du patrimoine au bilan prospectif », in Mélanges Boyer, PU Toulouse, 1996, p. 333.
16. NPCG, art. 120-1 : « La comptabilité est un système d'organisation de l'information financière
permettant de saisir, classer, enregistrer des données de base chiffrées et présenter des états reflétant une
image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entité à la date de clôture. La
comptabilité permet d'effectuer des comparaisons périodiques et d'apprécier l'évolution de l'entité dans
une perspective de continuité d'activité ».

978-2-275-08826-6__DOCFILE__978-2-275-08826-6.indd 134

26/11/2020 13:47:49
Bibliothèque de droit privé - Tome 607 - La plus-value

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit privé - Tome 607 - La plus-value
