Bibliothèque de droit privé - Tome 607 - La plus-value - 195

LE MAÎTRE DU RÉCEPTACLE DE LA PLUS-VALUE

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xviiie siècle, fait de ce droit une faculté de l'homme qui lui assure l'appropriation
des choses et des produits de son travail6. Sur la base de cet héritage, il était évident
que le rapprochement entre le sujet et la propriété et, en corollaire, la sacralisation
de l'appropriation individuelle des richesses, fournissent le substrat théorique de
la maîtrise d'une plus-value7 (A).
Parce que la propriété permet l'appropriation d'une chose, elle confère au
propriétaire le pouvoir d'exclure les tiers. Cette relation d'exclusivité induit une
conséquence puissante dès lors qu'en assurant la maîtrise complète du bien8, le
propriétaire en jouit exclusivement et, partant, maîtrise sa plus-value (B).
A. LE PROPRIÉTAIRE DU RÉCEPTACLE DE LA PLUS-VALUE
232.  Ambivalence de la propriété. Si la notion de propriété a fait l'objet d'une
intense réflexion doctrinale sur la nature juridique de ce droit9, nous nous contenterons d'en explorer un autre aspect, jamais étudié : son incidence sur la relation entre
le sujet et la plus-value10. Cette analyse nécessite au préalable de présenter succinctement l'ambivalence de la propriété qui peut être considérée sous un sens objectif
ou subjectif, ce qui, nous le verrons, interfère sur la relation à la plus-value.
Entendu dans un sens objectif, la propriété est assimilée à l'objet du droit,
elle est confondue avec la chose et désigne une qualité spéciale de celle-ci : être
propre à un sujet11. Rapportée à la maîtrise de la plus-value, la conception objective de la propriété est centralisée sur son objet, le réceptacle de la plus-value, ce
qui rend secondaire la présence du sujet. Dans un sens subjectif, la propriété est
un pouvoir qui permet d'enclore son bien dans un espace privatif sans souffrir
des ingérences de la communauté12. L'analyse de la propriété comme une relation
6. Art.  2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute
association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits
sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. » Nous soulignons. R. Libchaber,
« La propriété, droit fondamental », in Libertés et droits fondamentaux (dir. R.  Cabrillac), 24e  éd.,
Dalloz, 2018, p. 887 et s.
7. P. Masson, Contribution à l'étude des rapports de la propriété et de l'usufruit chez les romanistes
du Moyen Âge et dans le droit français, Thèse Dijon, 1933, n° 2.
8. Dans les limites des lois et des règlements (C. civ., art. 544).
9. F. Zenati-Castaing, « La propriété, mécanisme fondamental du droit », RTD civ. 2006. 445 ;
W. Dross, « Une approche structurale de la propriété », RTD civ. 2012. 419 ; G. Lardeux, « Qu'est-ce
que la propriété ? » RTD  civ.  2013. 741 ; J.-P. Chazal, « La propriété : dogme ou instrument
politique  ? », RTD civ. 2014. 763 ; B. Grimonprez, « La fonction environnementale de la propriété »,
RTD civ. 2015. 539.
10. Pétrie des enseignements de Bartole, la doctrine a longtemps défini la propriété à partir de ses
attributs (F. Zenati, « Pour une rénovation de la théorie de la propriété », RTD  civ.  1993. 305,
spéc. p. 308-309). La propriété serait, dans cette présentation, un droit réel composé du droit d'user de la
chose, d'en recueillir les fruits et d'en disposer ; ces prérogatives étant couramment présentées sous le
triptyque « usus, fructus, abusus » (J.-C.F. Demolombe, Cours de code Napoléon : Traité de la distinction
des biens, Vol.  9, 3e  éd., Durand, n°  333 ; F. Terré et P. Simler, Les biens, 10e  éd., Dalloz, 2018,
n° 121 et s.). En dépit de son caractère didactique, la définition de la propriété à partir de ses attributs fut
rapidement contestée en raison de ses incohérences. Dans une charge célèbre, le marquis de VareillesSommières notait ainsi que la soustraction de certaines utilités comme l'usus ne détruit pas la propriété :
« La propriété incomplète, tout autant que la propriété complète, est la propriété entière » (M. de VareillesSommières, « La définition de la notion juridique de la propriété », RTD civ, 1905. 443, n° 7).
11. Dans le sens objectif : C. civ., art. 545 : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété... ».
Nous soulignons.
12. F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens, 3e éd., PUF, 2008, n° 193. Selon la belle expression
de Messieurs Zenati-Castaing et Revet, « La propriété sort des entrailles de la communauté ».

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