Bibliothèque de droit privé - Tome 607 - La plus-value - 196

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LA PLUS-VALUE

d'appartenance met en exergue la présence du sujet puisqu'il s'agit déterminer
un espace privatif à l'égard de la chose13. En faisant de la propriété une faculté
indissociable de l'homme14, il s'opère un glissement de perspective de la chose au
sujet particulièrement stimulant lorsqu'il s'agit d'appréhender les richesses créées
par l'homme. À cet égard, l'un des promoteurs les plus influents de la doctrine
du droit naturel, John Locke, tisse un lien entre le travail et la propriété pour
expliquer la réservation des produits du travail15. Dans cette conception, la propriété, en tant que faculté de l'homme, lui assure l'appropriation des choses
nécessaires à sa survie16. À l'égard de la plus-value, l'approche subjective est particulièrement stimulante puisqu'elle établit un lien avec le sujet qui maîtrise le
réceptacle de la plus-value.
233.  Utilité pratique de la propriété subjective : la propriété suffit à identifier
le maître du réceptacle de la plus-value. En s'inscrivant dans la lignée des propos
relatifs à la dimension subjective de la propriété, il est possible de s'interroger sur
les conséquences de cette approche de la propriété à l'égard de la relation entre le
propriétaire de la chose et la plus-value.
En analysant la propriété comme une faculté inhérente à l'Homme tout en
construisant un système fondé sur l'appropriation privée, les rédacteurs de la loi
civile vont réaliser un tour de force remarquable. Si la propriété est attachée au
sujet, il est inutile de s'attarder sur le titulaire du droit dans la mesure où le propriétaire est indissociable de la propriété. La nature subjective du lien entre le
sujet et son bien établirait donc un rapprochement de principe entre la propriété
et le propriétaire. On explique ainsi qu'au sein du Code civil, la maîtrise des
richesses produites par le bien n'ait été posée qu'en termes de propriété et non
d'auteur. En ce sens, l'article 546 du Code civil ne mentionne aucun sujet pour
justifier l'acquisition des richesses du bien. Seule la propriété compte parce que la
propriété « donne droit », de sorte que le titulaire est nécessairement présent derrière le droit17. Le statut de l'auteur de la plus-value a donc été occulté par la
puissance du droit de propriété. En éludant l'analyse de la production d'une plusvalue, le législateur a fait le choix de conforter la situation du propriétaire en
renforçant la maîtrise des richesses dont son bien bénéficie.
Si la présence du sujet dans la définition de la propriété permet de désigner le
titulaire du droit, donc le maître du réceptacle de la plus-value, elle est toutefois
insuffisante pour expliquer la réservation de la plus-value au profit du propriétaire.
Pour pouvoir fournir une analyse complète de la maîtrise du propriétaire, il est
nécessaire de faire appel à une notion à laquelle la propriété renvoie : l'exclusivité.
13. Cette analyse est le fruit des travaux de Villey et à sa suite Monsieur Zenati-Castaing,
ayant mis en exergue la distinction romaine entre le dominium, le pouvoir, et la proprietas, la qualité de
la chose (F. Zenati, « Pour une rénovation de la théorie de la propriété », précit., p. 306-308 ; M. Villey,
« Notes sur le concept de propriété », in Critiques de la pensée juridique moderne : douze autres essais,
Dalloz, 1976, p. 187).
14. Parmi les penseurs de l'époque, l'influence de John Locke chez les révolutionnaires fut
décisive : J. Fabre, Les pères de la révolution, Alcan, 1910, p. 40.
15. W. Dross, Droit civil : Les choses, LGDJ, 2012, n° 3-1.
16. R. Libchaber, « La propriété, droit fondamental », in Libertés et droits fondamentaux (dir.
R. Cabrillac), 24e éd., Dalloz, 2018, p. 887.
17. C. civ., art. 546 : « La propriété d'une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur
tout ce qu'elle produit, et sur ce qui s'y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. »
Nous soulignons.

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