Bibliothèque de droit privé - Tome 607 - La plus-value - 234

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LA PLUS-VALUE

autre sens, plus large, qui a été mis en exergue. Dès lors que la chose est intimement
liée à la plus-value, il nous a paru possible de rapprocher la domination de la chose
à celle de la plus-value. Nous l'avons vu8, être maître de la chose revient à assurer la
plénitude des droits du propriétaire sur la plus-value. La puissance du propriétaire
est donc bifide : une maîtrise s'exprimant à la fois sur la chose et sa valeur.
De ce que la propriété permet à l'évidence d'exclure quiconque, on en déduit
une barrière quasi infranchissable entre le tiers et le réceptacle de la plus-value
puisque, d'une part, le propriétaire est présumé être l'auteur de la plus-value9,
d'autre part, le conflit entre le propriétaire et l'auteur de l'investissement productif d'une plus-value est évité par le recours à un mécanisme d'indemnisation10.
Faut-il alors, en raison de la puissance du droit de propriété, abandonner toute
tentative visant à assurer une maîtrise définitive du réceptacle de la plus-value par
un autre que le propriétaire de la chose qui en bénéficie ?
288. Le postulat : l'attribution du réceptacle de la plus-value au spécificateur. En regard des dispositions sur l'accession, la domination du propriétaire sur
le réceptacle de la plus-value est incontestable11. Cette valeur est juridiquement
considérée à l'aune du bien qui en bénéficie et l'intervention du travail dans la
production d'une plus-value ne devrait avoir, en principe, aucune incidence sur la
maîtrise du maître de la chose. En une hypothèse exceptionnelle, il arrive cependant que le Code civil confère une place unique au travail en raison de son
influence décisive dans la production d'une plus-value.
L'utilité pratique des dispositions relatives à l'accession mobilière, lesquelles
comprennent celles sur la spécification, est tombée dans un oubli doctrinal pour
le moins surprenant, certains auteurs allant jusqu'à les qualifier de « droit mort »12.
À l'encontre de cette position, il nous semble que ces dispositions contiennent un
fondement textuel extrêmement puissant qui autoriserait l'attribution du réceptacle de la plus-value au spécificateur, c'est-à-dire à celui qui déploie son travail
sur la chose d'autrui. Après que l'article 570 du Code civil pose le principe selon
lequel « Si un artisan ou une personne quelconque a employé une matière qui ne lui
appartenait pas à former une chose d'une nouvelle espèce, soit que la matière puisse
ou non reprendre sa première forme, celui qui en était le propriétaire a le droit de
réclamer la chose qui en a été formée en remboursant le prix de la main-d'œuvre
estimée à la date du remboursement. », l'article 571 dispose d'une exception tout à
fait remarquable au terme de laquelle : « Si, cependant, la main-d'œuvre était
8. Supra, n° 237 et s.
9. S. Lemonnier, De la réduction des dons et legs au cas de plus-value des biens donnés ou légués,
Sirey, 1912, p. 38.
10. C. civ., art. 570. Infra, n° 384 et s. En ce sens, la théorie des impenses est organisée en fonction
du gain de valeur généré par l'investissement (E.  -J. Brun, Des impenses de l'usufruitier, Th. Paris,
1921, p.  11). On distingue ainsi les différentes formes d'impenses selon leur résultat : les impenses
voluptuaires et nécessaires existent à travers un développement de la chose, lorsque les impenses
conservatoires s'appréhendent autour de sa stabilité (M.-C. Fayard, Les impenses, LGDJ, 1969, n° 7).
Pour des développements historiques sur la théorie des impenses et ses relations avec l'action en
tignum junctum : P.F. Girard, Manuel élémentaire de droit romain, 8e éd., Dalloz, 2003, p. 356, 368 ;
R. Monier, Le tignum junctum, thèse Paris, 1922.
11. Supra, n° 239 et s.
12. P.  Malaurie et L. Aynès, Les biens, 6e  éd., Defrénois, 2013, n°  441. V.  aussi : H., L.  et
J. Mazeaud, Leçons de droit civil, Tome II, biens, droit de propriété et démembrements, par F. Chabas,
8e  éd., Montchrestien, 1994, n°  1609. Contra : P.-Y Gautier, « L'accession mobilière en matière
d'œuvre de l'esprit : vers une nouvelle querelle des Proculiens et des Sabiniens », D. 1988. 154.

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