Bibliothèque de droit privé - Tome 607 - La plus-value - 272

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LA PLUS-VALUE

L'équivalence générale entre l'argent et les biens, lorsqu'ils sont seulement
saisis pour leur valeur, amène à considérer le rapport entre la plus-value et la monnaie dans une perspective identique. Dès lors que la monnaie permet de représenter le monde en termes de valeur43, l'échange monétaire réduit le bien remplacé
par la monnaie à une valeur comprise dans une quantité d'unités monétaires44. En
poursuivant la réflexion, ce phénomène suggère la possibilité d'établir une permanence de la plus-value dans l'argent. Reste à le fonder juridiquement.

§ 2. LA CRISTALLISATION DE LA PLUS-VALUE DANS LA MONNAIE
341.  La monnaie, dénominateur commun des biens. Avec le développement
des échanges commerciaux, la monnaie occupe une place si prépondérante dans
l'organisation sociale que l'immensité du monde des choses est ramenée à la
valeur45. La raison est simple : « avec de l'argent on achète des biens, avec des biens
on achète de l'argent, mais avec des biens on n'achète pas d'autres biens »46.
L'existence de la valeur dans le support monétaire porte en elle le germe d'une
indifférenciation envers les biens échangés47. Ramenés à la valeur qui figure sur l'unité
monétaire, les biens sont dissous dans un état d'indistinction générale48. Dans la lignée
de ce rapport à l'argent, la majorité des auteurs fonde la faculté de substitution de la
monnaie sur la fongibilité49. En instaurant un rapport d'équivalence entre les biens50,
la fongibilité établirait un lien entre la valeur de la monnaie et la plus-value (A).
Sans méconnaître ce rapport, la fongibilité de la monnaie est insuffisante
pour remédier à la précarité de la plus-value puisque le remplacement du réceptacle de la plus-value par un autre bien que la monnaie n'entraîne pas un tel
-résultat. Pour assurer la permanence de la plus-value, il faut s'attarder sur une
particularité de la monnaie. Une fois que la valeur de la monnaie est inscrite sur
l'instrument monétaire, cette valeur est en principe immuable en raison du nominalisme51. Pour le dire autrement, la valeur comprise dans l'unité monétaire correspond à celle qui y figure52. Le nominalisme aboutit à ce que la valeur de la
43. Rappr. J.-M. Lauriol, La subrogation réelle, thèse Alger, 1954, n° 230
44. Ibid.
45. M.Paillard de Chenay, « L'argent.  Approche systémique », in L'argent et le droit, APD,
t. 42, 1998, p. 11 et s.
46. I. Ekeland, « La valeur de l'argent », in L'argent et le droit, APD, t. 42, 1998, p. 25 et s
47. Rappr.  C. Aubry et C.-F. Rau, Cours de droit civil français traduit de l'allemand de
M. C. S. Zachariae T.VI, 4e éd., Cosse, Marchal et Billard, Paris 1873, §575 ; M. Xifaras, La propriété.
Étude de philosophie du droit, PUF, 2004, p. 226 : « Il n'est pas nécessaire de jouer trop lourdement sur les
mots pour attribuer à ce changement de perspective des vertus alchimiques : le patrimoine n'est peut-être pas
la pierre philosophale, il opère cependant la transformation de la substance étendue en pur argent ».
48. P. Catala, « Exposé de synthèse », in L'évolution contemporaine du droit des biens, 3e journées
René Savatier, Poitiers, 4 et 5 oct. 1990, PUF, p. 181 et s.
49. J. Carbonnier, Droit civil, Volume 2 : Les biens, Les obligations, op. cit., n° 675 ; R. Libchaber,
Recherches sur la monnaie en droit privé, op. cit., n° 134.
50. F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens, op. cit., n° 152.
51. Ce principe souffre d'une exception conséquente en ce que la déflation et l'inflation dissocient
la valeur extrinsèque de la monnaie, c'est-à-dire celle qui figure sur l'instrument monétaire, avec sa
valeur intrinsèque.
52. A. Sériaux, « L'argent du droit.  Contribution à une théorie juridique de la valeur », in
Mélanges B. Oppetit, précit., spéc. n° 2 : « L'argent ne réside nulle part ailleurs que dans son inscription,
quel que soit le matériau qui lui sert de support ».

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