Bibliothèque de droit privé - Tome 607 - La plus-value - 56

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LA PLUS-VALUE

plus-value, il faudrait identifier la plus-value dans une partie de la chose. Une
telle analyse pourrait être rapprochée des propositions formulées par Monsieur
Dross au sein de sa thèse de doctorat à propos de l'indemnité versée au constructeur en matière d'accession immobilière. L'auteur considère que l'accession ne
fusionne pas les choses de sorte que « la valeur de l'accessoire deviendrait objet de
la revendication »115. Or, nous avons vu que l'accessoire lié au principal constitue
une amélioration.
La thèse de Monsieur Dross est alors séduisante car en la poussant à son
paroxysme la perception de la plus-value des choses composites serait simplifiée.
L'idée peut être résumée ainsi : la valeur de l'accessoire est ajoutée à celle du principal donc la valeur de l'accessoire constituerait la plus-value du principal. À notre
opinion, l'abstraction de la plus-value interdit doublement ce résultat.
Premièrement, d'un point de vue strictement comptable la plus-value et la
somme de la valeur des éléments qui génèrent une amélioration ne correspondent
pas nécessairement. À titre d'exemple, la plantation de vignes sur un terrain lui
apporte certainement une plus-value sans pour autant correspondre à l'addition
de la valeur des vignes et de celle du terrain. Du reste, des vignes plantées sur un
terrain de moindre qualité ne produiront pas la même plus-value que sur un terrain fertile. Le législateur procède ainsi à propos des collections d'œuvres d'art
lorsqu'il est précisé au sein de l'article R. 111-3 du Code du patrimoine que la
valeur d'une collection est supérieure à « la somme des valeurs individuelles des
éléments » qui la composent116. La raison est simple : la plus-value, en tant qu'entité abstraite, est appréhendée à l'égard de l'ensemble et non des éléments qui le
composent.
Deuxièmement, l'assimilation entre l'amélioration et la plus-value est
incompatible avec son immatérialité car en approuvant cette confusion, il serait
possible d'estimer que la consistance de la plus-value change en fonction de
celle de la chose. Il y aurait là un raisonnement excessif en ce qu'une entité
immatérielle serait appréhendée sous une forme matérielle si l'amélioration possède cette nature.
50.  Critique de l'incorporation de la plus-value dans l'amélioration au regard
de ses sources. L'assimilation de la plus-value à l'amélioration de la chose est
ensuite discutable en raison de l'existence d'une multitude de sources de valeur117.
Considérer que la plus-value est incorporée dans un bâtiment ou des vignes plantées sur un terrain reviendrait à occulter les autres facteurs de production118. Sans
doute, cette analyse rejoint-elle le modèle de production des richesses proposé par
les rédacteurs du Code civil qui ont érigé la terre, donc la matière, en source principale de valeur119. Il reste que ce modèle de production a fait l'objet de critiques
vigoureuses afin de reconsidérer la place du travail au sein des sources de valeur120.
Dans un souci de réalisme économique, il s'impose de consacrer pleinement
115. W. Dross, Le mécanisme de l'accession. Éléments pour une théorie de la revendication en
valeur, op. cit., n° 276.
116. C. patr., art. R. 111-3.
117. Pour un exposé détaillé : infra, n° 171 et s.
118. V. pour l'exclusion de la source industrielle de plus-value : Cass.  1re  civ., 12  juin 1990,
n° 88-18.166.
119. Pour une critique de l'appréhension du bien en qualité de facteur de production : infra,
n° 145, 146, 147.
120. T. Revet, La force de travail : Étude juridique, Litec, 1992, n° 329 et s.

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