Bibliothèque de droit privé - Tome 608 - La coordination du mouvement sportif international et des ordres juridiques étatiques et supra-étatiques - 73

L'affirmation de la soumission du Mouvement sportif international

serait ainsi « la norme vécue comme telle, exprimée directement par des sujets de
droit qui s'y reconnaissent sans que quiconque ait à la formuler »169.
92. Le renouveau de la coutume. Si la coutume est bien souvent présentée au
rang des vestiges d'un autre temps170, elle connaît paradoxalement un certain renouveau théorique, une partie de la doctrine y voyant un moyen de répondre à certains
défis du droit contemporain. Parce qu'elle autorise notamment l'application de
normes privées171, la coutume pourrait constituer la porte d'entrée, dans l'ordre
juridique étatique, de ces normes. Elle pourrait également permettre d'atteindre une
certaine uniformité du droit applicable dans les différents ordres étatiques lorsqu'elle
est internationale172. Comme le souligne Mme Deumier, la coutume « se dégage de
la répétition constante et générale de comportements, peu important que ces comportements soient grecs, italiens ou turcs »173. La coutume pourrait donc permettre
de fonder l'application de normes sportives dans différents ordres juridiques et de
garantir l'uniformité du droit applicable à l'échelle internationale. Les normes sportives internationales ont, par ailleurs, longtemps été respectées par leurs destinataires sans qu'elles ne soient nécessairement formalisées. Comme le souligne
M. Karaquillo, « l'acceptation habituelle de la " norme sportive " par des destinataires nullement enclins à contester son caractère obligatoire donne à celle-ci l'aspect d'une règle coutumière »174. Le Mouvement sportif international pourrait ainsi
constituer le domaine d'élection de nombreuses coutumes175.
93. La rareté des coutumes sportives. Force est pourtant de constater que les
hypothèses dans lesquelles des normes sportives internationales sont considérées,
par les ordres juridiques étatiques, comme des coutumes ne sont pas légion. Ce
constat paraît s'expliquer notamment par les évolutions ayant affecté le sport. Les
organisations sportives internationales se sont considérablement complexifiées et
cherchent, de plus en plus, à garantir l'efficacité de leurs normes en droit étatique.
Elles ont ainsi entrepris de rédiger leurs règles dans des chartes, codes ou règlements et abandonné leur forme spontanée176.
169. R. LIBCHABER, L'ordre juridique et le discours du droit, op. cit., p. 362.
170. M. SOURIOUX note qu'« il n'est qu'à voir les civilistes contemporains citant des exemples
de coutume ! Ils font penser aux ramasseurs de coquillages sur une plage après le passage de plusieurs
colonies de vacances : ils exhibent d'autant plus leurs trouvailles qu'elles sont rares » (A. SOURIOUX,
« Sources du droit en droit privé », Sources du Droit, Arch. Philo. Droit 1982, t. 27, pp. 33-41, spé. p. 35).
M. LIBCHABER constate de même « une efficacité émoussée » de la coutume, qualifie son classement
parmi les sources du droit « de survivance » et juge son rôle « insignifiant » (R. LIBCHABER, L'ordre
juridique et le discours du droit, op. cit., respectivement p. 361, 363 et 364).
171. Pour une présentation de l'actualité doctrinale de la coutume notamment pour accorder un
effet aux normes d'origine privée et les références bibliographiques sur le sujet voir not. P. DEUMIER,
« Coutumes et usages », Répertoire de droit civil, Dalloz, §15.
172. MM. MOUSSERON et BALLAL soulignent à propos des usages que « leur caractère
transnational permettrait une régulation universelle indépendamment des particularismes nationaux »
(P. MOUSSERON et O. BALLAL « Plaidoyer pour les usages du sport » Jurisport 2013, n° 132,
pp. 40-43, spé. p. 43). Sur l'universalité du droit spontané voir également P. DEUMIER, Le droit
spontané, op. cit., p. 7 et s.
173. P. DEUMIER, Le droit spontané, op. cit., p. 8.
174. J.-P. KARAQUILLO, « Les normes des communautés sportives et le droit étatique »,
D. 1990, pp. 83-90, spé. p. 84.
175. Pour une analyse prospective du rôle susceptible d'être reconnu par les droits étatiques aux
usages sportifs voir not. P. MOUSSERON et O. BALLAL, « Plaidoyer pour les usages du sport »
Jurisport 2013, n° 132, pp. 40-43.
176. Mme DEUMIER évoque ce passage, dans les systèmes privés, du droit spontané au droit
délibéré. Elle considère que « les ordres juridiques privés, une fois organisés, sont parfaitement

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