Bibliothèque de droit de l'urbanisme et de l'environnement - Tome 19 - Le droit à un environnement sain et la Convention européenne des droits de l'homme - 368

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LE DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN ET LA CONVENTION EUROPÉENNE
DES DROITS DE L'HOMME

en autoroute. D'emblée, la Cour va considérer que « there is insufficient evidence to
prove all the applicant's allegation " beyond reasonable doubt " »258. Elle note alors que
l'état de délabrement de la route à proximité du logement du requérant avait été
constaté par une enquête officielle, qu'il était établi qu'un nombre très élevé de véhicules l'empruntaient et sur lesquels il avait été mesuré qu'en moyenne plus de la
moitié émettait des substances polluantes dont certaines, excédant les normes réglementaires internes, avaient été retrouvées dans le sol à proximité du logement du
requérant. Et comme si cela n'était pas suffisant, elle relève comme « particularly
notable » un fait qui s'avèrera déterminant dans le constat d'applicabilité de l'article 8. Il s'agit de l'empoisonnement chronique du fils du requérant aux sels de zinc
et de plomb, substances qui sont précisément celles que l'on retrouve à des niveaux
excessifs dans le sol à proximité de son logement et qui avaient également été mesurées sur l'échantillon de véhicules empruntant l'axe de transport litigieux259. Et parce
que le Gouvernement ukrainien ne peut apporter une explication convaincante à
une telle coïncidence, la Cour juge l'article 8 applicable260.
385. Inutile de multiplier ici les exemples pour montrer que le seuil de conviction du juge européen reste à un niveau très élevé et, qu'en matière environnementale, l'assouplissement du standard de preuve par le recours au faisceau d'indices
restera insuffisant tant que le juge exigera des indices « suffisamment graves, précis
et concordants », qui ne sont pas toujours évidents à réunir dans ce type de contentieux. Dans les affaires évoquées, on constate ainsi que le contexte environnemental
était suffisamment grave pour permettre la réunion d'autant de preuves indirectes
qui, cumulées, permettent au juge de conclure à la possibilité d'un lien causal261.
Dans ces arrêts, on se demande même si, en présentant dans sa motivation, parfois
sinueuse, la particularité et l'importance de chaque élément réuni et l'étroite concordance à laquelle chacun doit aboutir, la Cour ne cherche pas à s'adresser indirectement à de futurs requérants, comme pour les décourager de la saisir inutilement s'ils
ne sont pas en mesure de réunir un certain nombre d'éléments probants.
386. Quoiqu'il en soit, la jurisprudence révèle des indices qui, à leur mesure,
peuvent exercer une certaine influence sur le juge européen. Tout d'abord, s'agissant des nuisances les plus banales de voisinage, on note par exemple que la durée
de celles-ci est un élément souvent pris en compte par le juge européen pour
caractériser leur anormalité262.
Ensuite, pour ce qui concerne les pollutions industrielles, on notera à l'inverse que c'est plutôt la proximité de la source de pollution qui est un indice souvent relevé par le juge européen, cette fois pour déterminer le lien de causalité
entre la pollution et le droit du requérant263. La Cour devrait donner beaucoup
plus de poids à ce dernier indice afin de présumer plus facilement le lien de causalité, comme le fait par exemple la CJUE qui, en se livrant à une interprétation
extensive de la directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale,
258. Cour EDH, Grimkovskaya c/ Ukraine, préc., § 60.
259. Cour EDH, Grimkovskaya c/ Ukraine, préc., § 61.
260. Ibid., § 62.
261. Il faut dire aussi que la conception très restrictive que la Cour retient de ce lien de causalité
n'arrange pas les choses... : sur cette question, v. supra, n° 367-375.
262. V. la première section de ce chapitre, supra, n° 344-349.
263. Parmi d'autres, v. : Cour EDH, Fadeïeva c/ Russie, préc. ; Cour EDH, Tătar c/ Roumanie,
préc. ; Cour EDH, Băcilă c/ Roumanie, préc. ; Cour EDH, Dubetska et al. c/ Ukraine, préc. ; Cour
EDH, Grimkovskaya c/ Ukraine, préc.

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