Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 69 - Les faits justificatifs spéciaux - 133

La justification spéciale, une catégorie exclusive et qualifiée

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§ 1. L'INCOMPATIBILITÉ ENTRE SPÉCIALITÉ
ET RAISONNEMENT PAR DÉFAUT

303.  L'objet des développements qui suivent est de montrer que bien que le
terme « spécial » soit fréquemment opposé dans le vocabulaire juridique à d'autres
termes comme « général » ou « commun », cette opposition ne doit pas nécessairement autoriser une définition « en négatif » du terme « spécial » comme correspondant à tout ce qui ne serait pas général ou commun. Au contraire, la spécialité
se définit pour elle-même et n'est pas une catégorie par défaut, mais bien une
catégorie aux caractéristiques propres. Ce raisonnement est corroboré par l'emploi qui est fait du terme spécial par les différentes branches du droit (A). Transposé aux faits justificatifs, il revient à considérer que les faits justificatifs spéciaux
peuvent effectivement être opposés aux faits justificatifs généraux, mais ne
peuvent toutefois pas être définis comme désignant toutes les causes de justifications qui ne sont pas générales (B).
A. UNE INCOMPATIBILITÉ CONFIRMÉE PAR L'EMPLOI
DE TERME « SPÉCIAL » DANS LE VOCABULAIRE JURIDIQUE
304.  Le mot « spécial » est employé dans de nombreux domaines du droit et
de façon assez variable, comme le montrent les diverses définitions proposées par
le Vocabulaire juridique100. Les pénalistes sont ainsi familiers du droit pénal spécial
et rencontrent également, à l'occasion, des références au dol spécial101, aux faux
spéciaux102, aux récidives spéciales103, aux questions spéciales devant la cour d'assises104, à la motivation spéciale d'une décision105, ou encore aux saisies spéciales106.
Au-delà du droit pénal, on peut également relever à titre d'exemple le droit des
contrats spéciaux en droit civil, les rémunérations spéciales des dirigeants en droit
de ces causes objectives d'irresponsabilité d'une manière qui interdit de parler, à leur égard de
généralité justificative (v. par ex, au sujet des droits de la défense, infra n° 396).
100. V. supra n° 119.
101. V. par ex. X. Pin, Droit pénal général, 9e éd., Dalloz 2018, coll. « Cours », n° 191 ; J. Larguier,
P. Conte, P. Maistre du Chambon, Droit pénal général, 22e éd., Dalloz 2014, coll. « Mémentos », p. 49 ;
E. Dreyer, Droit pénal général, 4e éd., LexisNexis 2016, coll. « Manuels », n° 891.
102. V. par ex. V. Malabat, « Faux », Rép. pén. 2004, m.a.j. 2017, n° 81 et suiv.
103. V. par ex. D. Thomas, « Art. 132-8 à 132-16-7 -  Fasc. 20 - Récidive et réitération », JCl.
Pénal  Code 2015, m.a.j. 2017, n°  44. V. aussi, au sujet de la récidive spéciale de délit à délit,
M. Herzog-Evans, « Récidive », Rép. pén. 2007, m.a.j. 2014, n° 167 à 174, ou encore, au sujet de la
récidive contraventionnelle ou délictuelle spéciale en matière de violences volontaires, Y. Mayaud,
« Violences involontaires  - théorie générale », Rép. pén. 2006, m.a.j. 2017, n° 481 et 482.
104. L'article  350 CPP dispose : « S'il résulte des débats une ou plusieurs circonstances
aggravantes, non mentionnées dans l'arrêt de renvoi, le président pose une ou plusieurs questions
spéciales. » V. également S. Guinchard, J. Buisson, Procédure pénale, 10e éd., LexisNexis 2014, n° 2456.
105. Exigées à de nombreuses reprises par le Code pénal, comme par exemple au sujet du refus
de réduction de peine de l'auteur d'un délit atteint au moment des faits d'un trouble psychique
(art. 122-1 CP), ou encore pour prononcer l'interdiction de territoire français en matière correctionnelle
(art.131-30-1 CP), ou, plus largement, pour les décisions de ne pas prononcer certaines peines
complémentaires (par ex : art. 222-62 CP). On retrouve également ces motivations spéciales dans le
Code de procédure pénale, comme en matière de prise d'empreintes ou de photographie au cours
d'une procédure de vérification d'identité (art. 78-3 CPP), de rétention de sûreté (art. 706-53-15 CPP),
ou encore le maintien en détention d'un prévenu après l'ordonnance de renvoi (art. 179 et 213 CPP).
106. Prévues au Titre  XXIX du Livre  IV du Code de procédure pénale, et y désignant par
exemple les saisies immobilières.

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