Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 69 - Les faits justificatifs spéciaux - 187

L'affectation à la cible

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a)	 La confusion entre défaut d'intention et bonne foi justificative
433.  La notion de bonne foi est le théâtre, en matière justificative, d'une
grande confusion qui s'explique par deux facteurs distincts. D'une part, le recours
à la terminologie de « bonne foi » s'est heurté à l'usage des notions de « bonne
foi » et de « mauvaise foi » pour parler de l'élément moral, notamment en référence à l'intention requise par l'article 121-3 du Code pénal en matière de crime et
pour certains délits. D'autre part, la bonne foi a été utilisée par la jurisprudence
comme un fait justificatif dans des domaines relativement éloignés l'un de l'autre
- le droit pénal des médias et le droit douanier. Ceci explique le choix d'étudier la
bonne foi au sein des développements consacrés aux faits justificatifs hybrides :
l'application à des comportements infractionnels variés invite à première vue à
considérer la bonne foi comme un fait justificatif qui ne serait pas affecté à une
infraction précise ou à quelques infractions voisines. Cette application à des
domaines aussi éloignés du droit pénal a en outre eu pour conséquence de donner
à ce fait justificatif prétorien un contenu et un champ d'application tout à fait
différents, faisant de la bonne foi une cause d'irresponsabilité à la fois approximative et éclatée. Il est proposé dans les pages qui suivent de revenir sur l'évolution
jurisprudentielle ayant conduit à l'admission de la bonne foi justificative en droit
de la presse et en droit douanier (α), afin de tenter de dégager un fil conducteur
pour démêler la matière (β).
α)	 La bonne foi justificative, création prétorienne
434.  Diffamation et bonne foi. La diffamation publique239, incriminée à l'article 29 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, est matériellement constituée par
l'imputation publique d'un fait déterminé portant atteinte à l'honneur ou à la
considération d'une personne. Le fait justificatif spécial le plus connu - sinon le
plus appliqué240 - se rapportant à la diffamation est sans doute l'exception de vérité,
prévue à l'article 35 de la loi de 1881, mais il est épaulé par un autre fait justificatif
spécial, la bonne foi, progressivement dégagé par la jurisprudence241 pour faire face
à des situations dans lesquelles l'exceptio veritatis n'est pas applicable242.
435.  Plutôt que de rattacher ces situations à la bonne foi, les juges ont parfois tenté de motiver l'absence de responsabilité pénale par le défaut d'intention
de l'auteur des propos litigieux243, ou simplement d'assimiler dans une même
motivation la présence du fait justificatif et l'absence d'intention244. Il s'agit d'une
confusion entre absence de mauvaise foi, prise dans le sens d'intention de porter
atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime (c'est-à-dire défaut d'élément moral), et présence de bonne foi, prise comme un fait justificatif245. C'est
239. La diffamation non publique est une simple contravention, notamment incriminée aux
art. R.621-1 et R.624-3 CP.
240. La jurisprudence se montre en effet très stricte sur les conditions d'application de l'exception
de vérité, au point que ce fait justificatif est en réalité rarement admis (v. infra n° 533).
241. V. notamment Cass. crim., 27 oct. 1938 ; DP 1939, I, p. 77, note P. Mimin.
242. Soit que l'auteur ne puisse pas rapporter la preuve de la véracité des faits allégués, soit que
ses propos soient exclus du champ d'application de l'exceptio veritatis (notamment les imputations
relatives à la vie privée).
243. E. Dreyer, Droit pénal général, 4e éd., LexisNexis 2016, coll. « Manuels », n° 1177.
244. V. par ex. Cass. crim., 23 juin 1964, n° 63-91.162, Bull. crim. n° 207.
245. On retrouve cette confusion liée à la polysémie juridique des termes « bonne foi » et
« mauvaise foi » dans les décisions jurisprudentielles relatives à la « présomption de mauvaise foi » de
l'auteur de propos diffamatoires ou injurieux (cf. infra).

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