Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 69 - Les faits justificatifs spéciaux - 295

LES ENSEIGNEMENTS DE L'APPROCHE AXIOLOGIQUE

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absence d'évolution des mécanismes juridiques considérés. Ceci explique que les
développements consacrés à la pérennité justificative proprement dite ne s'éternisent pas, leur objet étant de permettre d'identifier un certain nombre de faits
justificatifs spéciaux pérennes (§ 1) afin d'en étudier ensuite les particularités à la
lumière des valeurs sociales en conflit (§ 2).

§ 1. LA STABILITÉ, SOURCE DE PÉRENNITÉ
DE LA JUSTIFICATION SPÉCIALE

705.  À côté des faits justificatifs spéciaux précaires qui interviennent en présence de valeurs sociales fondamentales et dont l'étude fait l'objet du titre précédent, on observe une autre catégorie de faits justificatifs spéciaux. Ces derniers,
loin de se montrer une source de précarité justificative, s'avèrent au contraire des
formes de justification remarquablement stables. Cette stabilité se manifeste de la
façon suivante : les faits justificatifs spéciaux considérés ne semblent pas soumis
aux phénomènes de précarité détaillés précédemment. Ainsi, ces faits justificatifs
spéciaux ne participent à aucun processus de dé-spécialisation ; au contraire, ils
produisent leur effet sur la responsabilité dans les strictes limites de l'infraction à
laquelle ils sont affectés, sans que l'on perçoive dans la jurisprudence la tentation
d'étendre leur effet au-delà du cadre restreint qui fait leur spécialité. En outre, les
faits justificatifs spéciaux stables ne semblent pas non plus menacés de remplacement par des mécanismes ou des raisonnements juridiques concurrents comme la
technique de mise en balance des intérêts. Autrement dit, la stabilité de ces faits
justificatifs spéciaux se caractérise par la pérennité à la fois de leur affectation (A)
et de leur fonction justificative (B).
A. LA PÉRENNITÉ DE L'AFFECTATION
706.  Retour sur le double critère de l'affectation. L'affectation joue un rôle central dans le processus d'identification des faits justificatifs spéciaux, puisqu'elle permet de distinguer ces causes objectives d'irresponsabilité particulières des autres
formes de justification. En effet, il a été expliqué que, pour appartenir au domaine
spécial, un fait justificatif doit remplir le critère de la double affectation : l'affectation à la cible et l'affectation de la source14. Sans revenir sur le détail de la démonstration, il est sans doute utile d'en rappeler ici les grandes lignes : pour être spécial,
le fait justificatif considéré doit d'abord être affecté à sa cible, c'est-à-dire que son
effet neutralisant sur la responsabilité doit être limité à un ou quelques comportements infractionnels déterminés ou déterminables. Ensuite, lorsqu'il est de source
textuelle -  législative ou réglementaire - un fait justificatif n'est spécial que si sa
source est affectée à la fonction justificative, c'est-à-dire si le texte en question a
pour objet de mettre en place une cause objective d'irresponsabilité. À  titre
d'exemple, on peut prendre l'article L. 442-4 du Code de commerce qui -prévoit une
justification à la revente à perte, tirée de l'alignement sur les prix pratiqués par un
concurrent. Le fait justificatif considéré est limité à un délit spécifique - la revente
à perte  - et le texte qui l'instaure vise bien à produire un effet justificatif, comme le
montre l'usage de la formule « Les dispositions de l'article L. 442-2 [qui incrimine
la revente à perte] ne sont pas applicables... ». Ainsi, l'exception d'alignement est
14. V. supra n° 336 et suiv.

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