Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 69 - Les faits justificatifs spéciaux - 314

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LES FAITS JUSTIFICATIFS SPÉCIAUX

751.  Secret de la défense nationale - autorisation de la loi. L'atteinte au secret
de la défense nationale est définie et incriminée aux articles  413-9 et suivants du
Code pénal. Selon les termes de l'article 413-9, sont ainsi couverts par ce secret les
« procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures
de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès », c'est-à-dire
ceux « dont la divulgation ou auxquels l'accès est de nature à nuire à la défense
nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale ».
Les dispositions relatives au secret de la défense nationale sont en outre complétées
par un titre du Code de la défense114, notamment en ce qui concerne la Commission
du secret de la défense nationale115. Sur le plan justificatif, outre son rôle de fait
justificatif spécial à l'égard de certaines obligations légales de révélation, en particulier devant les juridictions116, le secret de la défense nationale pourrait à son tour se
voir appliquer l'un des trois faits justificatifs généraux. C'est en particulier le cas de
l'autorisation de la loi, qui peut par exemple justifier une atteinte au secret de la
défense nationale dans le cadre d'une perquisition, selon les termes de l'article 56-4
du Code de procédure pénale117. En pratique, les exigences accrues de nécessité et de
proportionnalité limitent toutefois drastiquement le nombre d'occurrences d'application d'un fait justificatif à la violation du secret de la défense nationale. En effet,
le législateur se montre réticent à admettre de telles justifications pour des raisons
de sécurité publique, en témoigne par exemple l'article 6 de la loi du 9 décembre
2016 qui précise, à son deuxième alinéa, que le fait justificatif instauré au bénéfice
des lanceurs d'alerte par l'article 122-9 du Code pénal n'est notamment pas applicable aux « faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale ».
752.  Secret de la défense nationale - droit d'accès à l'information. Si l'atteinte
au secret de la défense nationale résiste ainsi à l'application des faits justificatifs
stricto sensu, elle est toutefois susceptible de céder du terrain face à la mise en
œuvre jurisprudentielle de la technique de mise en balance des intérêts118. En particulier, le secret de la défense nationale pourrait être confronté à certains articles
de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors que le droit d'accéder à certaines informations, notamment lorsqu'il s'agit d'informations administratives, bénéficie d'une reconnaissance et d'une protection croissantes dans la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme119 qui le rattache aux
114. Partie législative, Partie 2, Livre III, Titre Ier.
115. Cette autorité administrative indépendante est prévue et organisée par les art. L. 2312-1 à
L.2312-8 c. déf. Elle rend un avis sur la déclassification et la communication d'informations couvertes
par le secret de la défense nationale.
116. À ce sujet, v. notam. J.-H. Robert, « Fasc. 700-12 : Administration judiciaire de la preuve »
JCl. Proc. civ. 2017, n° 26.
117. Ce texte exige toutefois que les perquisitions soient effectuées par un magistrat en présence
du président de la Commission du secret de la défense nationale (CSDN), et ne permet la saisie que
des seuls éléments classifiés relatifs aux infractions sur lesquelles portent les investigations. Ces
éléments sont placés sous scellé sans être consultés par le magistrat ni par l'officier de police judiciaire,
et ne peuvent être communiqués qu'après déclassification selon la procédure des art. L. 2312-4 et
suiv. du c. de la défense. Par conséquent, il n'y a pas de violation du secret stricto sensu, les informations
n'étant communiquées qu'une fois déclassifiées, c'est-à-dire une fois sorties du champ du secret.
118. Sur le glissement jurisprudentiel de la justification à la mise en balance des intérêts, v. supra
n° 546 et suiv.
119. À ce sujet, v. notam. L. Pech, « Fasc. 3421 : Secret de la défense nationale », JCl. Commun.
2014, n° 50 et suiv. V. aussi A. Lallet, « Documents administratifs : accès et réutilisation », Rép. adm. 2014,
m.a.j. 2017, n° 33.

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