Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 69 - Les faits justificatifs spéciaux - 89

Pertinence du classement fondé sur la spécialité

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1817105, est dorénavant bien ancré en droit civil et peut expliquer la neutralisation
de la responsabilité civile en présence de légitime défense.
180.  L'effet de la légitime défense -  fait justificatif prévu à l'article 122-5 du
Code pénal - sur la responsabilité civile est traditionnellement envisagé sous
l'angle de la faute du défendeur106, ce qui contribue indubitablement à la confusion qui règne sur la matière. En effet, cette conception oblige à établir une
-distinction entre les cas de légitime défense à mains nues, qui relèvent de la responsabilité civile pour faute, des cas de légitime défense avec l'aide d'un objet, qui
relèvent de la responsabilité objective du fait des choses, l'intéressé étant juridiquement considéré comme le gardien de l'objet avec lequel il s'est défendu. Ainsi,
on lit habituellement que la situation de légitime défense ôte au comportement
litigieux tout caractère fautif aussi bien sur le plan pénal que sur le plan civil.
Cette solution est fondée sur l'idée selon laquelle la faute nécessite un comportement qui viole une règle de conduite ou manque au devoir général de prudence et
de diligence107, ce qui n'est pas le cas de celui qui agit en légitime défense108. Ce
raisonnement est juridiquement convaincant, mais il présente l'inconvénient
majeur d'être inopérant en matière de responsabilité objective, ce qui a conduit la
jurisprudence à rendre en la matière des décisions bancales.
181.  Ainsi, dans un arrêt remarqué109, la Cour de cassation a refusé de reconnaître la responsabilité civile objective d'une femme ayant tiré sur un homme
qu'elle estimait menaçant. Le juge pénal l'ayant déclarée en situation de légitime
défense, elle était poursuivie devant les juridictions civiles au titre de la responsabilité du fait des choses110 et avait été condamnée en appel, la cour estimant qu'elle
était objectivement responsable, en tant que gardienne de l'arme, du dommage
causé par celle-ci. La deuxième chambre civile, dans un attendu de principe ne
faisant aucune référence à la faute, a au contraire considéré que « la légitime
défense reconnue par le juge pénal ne [pouvait] donner lieu, devant la juridiction
civile, à une action en dommages-intérêts de la part de celui qui l'[avait] rendue
nécessaire ». Si le résultat atteint tient du bon sens, une solution contraire revenant
à établir une distinction entre ceux qui se défendraient à mains nues et ceux qui le
feraient à l'aide d'un objet quelconque111, cette extension112 de l'effet -justificatif de
105. Cass.  crim., 19  déc. 1817 ; S.  1818, p.  170 ; Jurisprudence de la Cour de cassation 1817,
p. 393 (cité par P. Jourdain, « La légitime défense, fait justificatif de la responsabilité de l'article 1384,
alinéa 1er », RTD Civ, 1992, p. 768).
106. V. par ex. C. Dubois, Responsabilité civile et responsabilité pénale - à la recherche d'une
cohérence perdue, thèse 2014, sous la dir. d'Y. Lequette, Paris II, LGDJ 2016, coll. « Thèses ».
107. Cette définition de la faute était notamment proposée par l'avant-projet Catala (Catala,
P.  (dir.), Avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, 2005, projet
d'art.  1352). Sur ce sujet, v.  par ex. P.  Malinvaud, D.  Fenouillet, M.  Mekki, Droit des obligations,
14e éd., LexisNexis 2017, coll. « Manuel », n° 620 ; v. aussi J. Carbonnier, Droit civil I - Introduction.
Les personnes. La famille, l'enfant, le couple, PUF 2004, coll. « Quadrige », n° 170.
108. V. par exemple C. Dubois, Responsabilité civile et responsabilité pénale - à la recherche d'une
cohérence perdue, thèse 2014, sous la dir. d'Y. Lequette, Paris II, LGDJ 2016, coll. « Thèses », n° 490.
109. Cass. 2e civ., 22 avril 1992, Bull. civ. II, p. 127 ; D. 1992, p. 353, note J-F Burgelin ; Dr. pén
1992, p. 226 ; RTD civ 1992, p. 768, note P. Jourdain.
110. Responsabilité objective fondée sur l'article 1242 (anc. art. 1384) al. 1er c. civ.
111. J-F Burgelin, D.  1992, p.  353 ; Jourdain, P., « La légitime défense, fait justificatif de la
responsabilité de l'article 1384, alinéa 1er », RTD Civ, 1992, p. 768.
112. Les décisions précédentes, à quelques exceptions près (V. Cass.  2e civ., 10  juin 1970,
n° 69-10.153 ; D. 1970, p. 691 ; Gaz. Pal. 1970, II, p. 229 ; D. 1971, p. 146, obs. G. Durry ; RSC 1971,
p. 420, obs. G. Levasseur ; RTD civ. 1971, p. 146, note G. Durry) faisaient au contraire référence à la

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