Bibliothèque de droit privé - Tome 610 - Payer, réparer, punir - 447

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PAYER, RÉPARER, PUNIR

notamment d'une faute lucrative " [...] la faute requise est qualifiée de manière
impropre et imprécise. Impropre, parce qu'il eût été préférable d'utiliser des
concepts connus (faute intentionnelle ou, au contraire, simplement -volontaire),
plutôt que d'introduire les notions de faute délibérée ou de faute lucrative.
Imprécise, car on ne fait que deviner les contours de cette faute spéculative,
situation que vient aggraver l'usage de l'adverbe " manifestement " [...] »216.
Il est en effet indispensable de bien définir la faute qui déclenche l'octroi de
la restitution des profits. L'enjeu est peut-être même plus important encore en
matière contractuelle, quand la responsabilité ne suppose en elle-même aucune
faute, mais seulement une inexécution imputable au débiteur217. Quelle faute choisir ? La restitution des profits étant tournée vers la dissuasion, il faut a priori un
responsable qui ait pleine conscience de ses agissements. C'est donc la faute intentionnelle qui doit être visée, c'est-à-dire en matière contractuelle : le dol218. Faut-il
y assimiler la faute lourde, à l'instar de l'article 1231-3 du Code civil219 et de la
jurisprudence220 ? Nous ne le croyons pas nécessaire, dès lors que la faute lucrative
est par définition une faute intentionnelle, puisqu'elle suppose un calcul coûts/
avantages. Le dol sera donc seul retenu.
443.  Deuxième condition : un profit. Ce dol doit encore être lucratif, c'est-àdire avoir permis de générer un profit, sans quoi la restitution des profits n'a plus
d'objet. Ce profit doit-il être considéré comme une condition distincte du dol, ou
faut-il intégrer l'intention lucrative à l'élément subjectif de la faute ? Autrement
dit : suffit-il de démontrer que le dol a permis de générer un profit ou faut-il de
surcroît apporter la preuve que ce profit était spécialement recherché par l'auteur
du dol ? Dans la mesure où la restitution des profits adresse le calcul coûts-avantages de l'inexécution, il semblerait logique de ne l'infliger qu'au débiteur qui a
effectivement procédé à ce calcul. Cependant, si la faute lucrative doit bien être
définie comme une faute commise « en vue d'un enrichissement illicite »221, cet
élément subjectif ne doit pas nécessairement intégrer le régime de la restitution
des profits. Il peut aussi être décidé que la restitution des profits s'appliquera dès
lors qu'un dol a permis de générer un profit, sans que le créancier n'ait à apporter
la preuve de l'intention subjective du débiteur de générer celui-ci. Elle ne sanctionnera alors plus seulement les fautes lucratives telles que précédemment définies, mais également les fautes dolosives qui, en quelque sorte « accessoirement »,
ont permis à leur auteur de générer un profit. Cette solution présente des avantages probatoires évidents. Elle évite au créancier d'avoir à rapporter une preuve
psychologique relative à l'état d'esprit de la personne qui, dans un autre contexte,
a pu être rapproché de la « probatio diabolica »222. Imposer au créancier la charge
de la démonstration du caractère délibéré de l'inexécution apparaît déjà bien
216. Rapport du groupe de travail de la Cour de cassation sur l'avant-projet de réforme du droit
des obligations et de la prescription, 15 juin 2007, spéc. n° 92.
217. V. sur ce point supra, spéc. n° 170.
218. Rappelons sa définition, posée par Civ. 1re, 4 févr. 1969, Bull., n° 60 : « le débiteur commet
une faute dolosive lorsque, de propos libéré, il se refuse à exécuter ses obligations contractuelles, même
si ce refus n'est pas dicté par l'intention de nuire à son cocontractant ».
219. Sur lequel v. supra, spéc. n° 357 et s.
220. Depuis Req., 24 oct. 1932, DP, 1932, 1, p. 176, note E. P.
221. V. en ce sens la définition de la faute lucrative proposée par N. Fournier De Crouy, La
faute lucrative, op. cit., spéc. n° 216 in fine, reproduite supra, spéc. n° 406.
222. P.-Y. Gautier, « Exécution forcée du pacte de préférence : un peu victoire à la Pyrrhus,
beaucoup probatio diabolica », D.  2006, p.  1861, à propos de la double preuve incombant au

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