Bibliothèque de droit social - Tome 80 - La constitutionnalisation du droit du travail - 122

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LA CONSTITUTIONNALISATION DU DROIT DU TRAVAIL

156.  (II) Eviter une difficulté relative à l'applicabilité d'une norme. La combinaison des fondements permet parfois de pallier une incertitude sur l'applicabilité
horizontale des normes constitutionnelles et conventionnelles. Certains auteurs
estiment que « les principes particulièrement nécessaires à notre temps nécessitent
l'intervention du législateur pour être invoqués. (...) les juges combinent ces principes avec des dispositions issues du droit interne et communautaire »63. On
retrouve dans cette affirmation l'idée que les principes figurant dans le Préambule
de 1946 constituent un « ensemble hétéroclite de droits, libertés et déclarations
solennelles de précision et de valeur juridique forts inégales »64 et qu'il convient de
compléter certains d'entre eux par des dispositions dont la juridicité et l'applicabilité sont avérées65. Il est vrai que l'applicabilité directe de certains des alinéas du
Préambule pose question. Tel est le cas des alinéas 5 et  11 du Préambule de la
Constitution de 194666 qui consacrent respectivement le droit à l'emploi et le droit
au repos. À première vue, la formulation du onzième alinéa ne se prête pas à une
application aux litiges entre particuliers67. Rappelons qu'il dispose tout d'abord
que la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs »
avant d'énoncer que « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état
physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de
travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». Autrement dit, le destinataire premier de l'obligation figurant à l'alinéa 11 reste la Nation ou la collectivité. En conséquence, les garanties mentionnées dans cet alinéa nécessitent théoriquement une intervention législative pour se
réaliser. Malgré ces termes, la chambre sociale de la Cour de cassation s'est saisie
des potentialités de ce texte. À l'occasion de litiges intéressant les conventions de
forfaits-jours, elle a ainsi affirmé, en visant l'alinéa 11, que « le droit à la santé et
au repos est au nombre des exigences constitutionnelles »68. Ce faisant, elle a
extrait du droit-créance des éléments pouvant être appliqués aux litiges entre particuliers, qu'elle a qualifiés d'exigences constitutionnelles.
63. B. MATHIEU, M. VERPEAUX, A. MACAYA, « Jurisprudence constitutionnelle »,
JCP G., 2012, doctr. 809.
64. P.  MORVAN, Le principe de droit privé, Paris, LGDJ, Panthéon-Assas, 1999, p. 52.
65. Ibid : L'auteur considère que « les droits économiques et sociaux de la « deuxième
génération » » ont une « vocation essentiellement idéologique ».
66. L.  GAY, Les droits-créances constitutionnels, Bruylant, 2007, p.  249 : « L'alinéa  11 du
Préambule de 1946 figure parmi ces dispositions longtemps regardées comme énonçant des buts
sociaux, des principes programmatiques plus politiques que juridiques en ce qu'ils font appel à
l'interpositio legislatoris ».
67. Certains auteurs ont d'ailleurs déduit de la jurisprudence constitutionnelle que « les
dispositions du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 confèrent moins
un droit, a fortiori un droit subjectif, susceptible d'être invoqué à l'appui d'une action en justice,
qu'elles ne font peser, en des termes purement programmatiques, une obligation d'agir sur les pouvoirs
publics et, au premier chef, sur le législateur » : V. BERNAUD, X. PRETOT, Droit constitutionnel
social, Jcl. Administratif, Fasc. 1143, n°109.
68. Cass.  soc., 4  février 2015, n° 13-20.891 ; Cass.  soc., 17  décembre 2014 n° 13-22.890,
n° 13-23.230 ; Cass. soc., 13 novembre 2014, n° 13-14.206 ; Cass.  soc., 2 juillet 2014, n° 13-19.990 ;
Cass. soc., 11 juin 2014, n° 11-20.985, Bull. 2014, V, n° 137 ; Cass. soc., 2 juillet 2014 , n° 13-19.990 ;
Cass.  soc., 11  juin 2014, n° 11-20.985, Bull.  civ., V, n° 137 ; Cass.  soc., 28  mai 2014, n° 13-13.947 ;
Cass. soc., 14 mai 2014, n° 13-10.637 ; Cass. soc., 30 avril 2014, n° 13-11.034 ; Cass. soc., 2 avril 2014,
n° 12-22.054 ; Cass. soc., 24 avril 2013, n° 11-28.398, Bull. civ., V, n° 117 ; Cass. soc., 26 septembre
2012, n°  11-14.540, Bull.  civ., V, n° 250 ; Cass.  soc., 19  septembre 2012, n° 11-19.016 ; Cass.  soc.,
13  juin 2012, n° 11-10.854 ; Cass.  soc., 29  juin 2011, n° 09-71.107, Bull.  civ., V, n° 181, SSL, 2011,
n° 1499, p. 5, note M.-F. Mazars, P. Florès. Il convient de remarquer que, dans ces différents arrêts, le

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