Bibliothèque de droit social - Tome 80 - La constitutionnalisation du droit du travail - 261

L'affinement de la technique du contrôle de constitutionnalité de la loi

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SECTION 1
L'AFFINEMENT PAR LA CONFRONTATION
DES DROITS CONSTITUTIONNELS ENTRE EUX
383.  La nécessité de résoudre les conflits entre normes constitutionnelles est
intrinsèquement liée à la constitutionnalisation du droit6. Les contrariétés qui
apparaissent à cette occasion entre les droits constitutionnels7 doivent, en effet,
être « éliminées par des procédés techniques (...) aboutissant finalement au choix
de l'une des normes au détriment de l'autre »8. La conciliation des principes
constitutionnels constitue ce procédé9. Cet exercice n'est pas inconnu du droit
privé10 mais plusieurs éléments laissent penser que la conciliation des droits
constitutionnels opérée à l'occasion de la constitutionnalisation du droit du travail présente une richesse particulière.
Tout d'abord, la constitutionnalisation du droit du travail se manifeste par la
diffusion de droits constitutionnels issus de deux textes de même valeur, issus
d'époques distinctes et inspirés par des philosophies différentes11. Le droit du travail
constitue, à ce titre, le terrain de rencontre privilégié de la Déclaration de 1789 et du
Préambule de la Constitution de 194612. La cohérence de la constitutionnalisation
6. P. FORIERS, « Les antinomies en droit », in C. Perelman (dir.), Les antinomies en droit,
Bruylant, Bruxelles, 1965, p. 20, spéc. p. 22 : « Ce heurt des règles, cette collision des normes, cette
situation anormale dans un système où le principe de non-contradiction est essentiel et où la cohérence
logique est une exigence fondamentale, n'est pas un phénomène récent ».
7. Sur ce point v.  par ex. C. PERELMAN, « Les antinomies en droit, essai de synthèse », in
C. Perelman (dir.), Les antinomies en droit, Bruylant, Bruxelles, 1965, p. 292, spéc. pp. 292-293 : « La
poursuite de fins aussi variées, et souvent incompatibles, nécessite la réalisation de compromis, la
recherche d'un équilibre qui est un des objectifs du droit, et plus spécialement du droit public ».
8. P. FORIERS, art. préc. p. 23.
9. 
D. TURPIN, « Le traitement des antinomies des droits de l'homme par le Conseil
constitutionnel », Droits, 1985, p. 85, spéc. p. 87.
10. A.  JEAMMAUD, Des oppositions de normes en droit privé, Thèse dactyl., Lyon, 1975,
pp. 582 et s. ; v. égal., pour des éléments de droit comparé relatifs au contrôle de proportionnalité :
R. BHOUSTA, « La proportionnalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel : méthode
pragmatique ou énoncé formel ? », in F. Péraldi-Leneuf, S. Schiller (dir.), Les conflits horizontaux de
normes, le traitement légistique et jurisprudentiel, Mare et Martin, Coll. Droit public, 2014, p. 269 ; En
droit pénal, le Conseil considère « qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une
part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux
nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part,
l'exercice des libertés constitutionnellement garanties » (Cons. const., Décision n° 2004-492 DC du
2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Rec., p. 66, (cons. 4).
Le Conseil ajoute « qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir, l'inviolabilité du
domicile privé, le secret des correspondances et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4
de la Déclaration de 1789, ainsi que la liberté individuelle, que l'article 66 de la Constitution place sous
la surveillance de l'autorité judiciaire »). Il y a deux idéaux qui sont confrontés l'un à l'autre : assurer
la sécurité d'un côté et garantir les libertés individuelles de l'autre ; sur ce point v. not. G. DRAGO,
« La conciliation entre principes constitutionnels », D., 1991, chr. p. 265.
11. N.  MOLFESSIS, Le Conseil constitutionnel et le droit privé, LGDJ, 1997, p.  29 : « La
coexistence, au sein du bloc de constitutionnalité, de textes d'origines différentes et de philosophies
parfois opposées, laisse entrevoir des risques de conflits entre les dispositions constitutionnelles ».
12. Les hypothèses où le Conseil constitutionnel a dû opérer une conciliation entre un droit issu
de 1946 et un autre issu de 1789 en dehors du droit du travail sont rares. Le Conseil a déjà confronté
le droit de propriété au droit à la santé à l'occasion d'une loi entendant lutter contre le tabagisme et
l'alcoolisme (Cons. const., Décision n° 90-283 DC du 08 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le
tabagisme et l'alcoolisme, Rec., p. 11). Reste que la grande majorité des décisions dans lesquelles le
Conseil constitutionnel a dû opérer une conciliation entre la Déclaration de 1789 et le Préambule de

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