Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 135 - L'abus de droit en droit international public - 248

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L'abus de droit en droit international public

Cour considéra que « même en l'absence de disposition conventionnelle applicable, le retard d'un État demandeur peut rendre une requête irrecevable »158, tout
en précisant que le droit international n'impose pas de limite de temps déterminée
et qu'il faut donc procéder à une appréciation au regard des circonstances de
chaque espèce. Aux termes de son analyse, elle conclut au fait que l'écoulement du
temps n'a pas rendu ladite requête irrecevable159.
359.  La question du délai de saisine a également été soulevée à propos de
l'introduction de recours en interprétation. Dans la première affaire relative au
Temple de Préah Vihéar, la Cour avait refusé d'accéder à la requête cambodgienne
tendant à faire reconnaître le caractère conventionnel de la carte de l'annexe 1,
mais sans se prononcer sur son statut juridique160. L'introduction d'une requête en
interprétation en 2011 constituait un détournement de procédure selon la
-Thaïlande, dans la mesure où elle ne visait pas une interprétation, mais avait seulement pour but de remettre en question l'autorité de chose jugée du premier
arrêt161. Cette opinion semble être partagée par le juge ad hoc Cot, qui suggère un
détournement de procédure en demandant : « [n]'est-on pas en présence, cinquante
années après le prononcé de l'arrêt de 1962, d'une tentative pour introduire des
demandes de caractère nouveau en les greffant sur un prétendu contentieux de
l'interprétation de l'arrêt, afin d'assurer une base de compétence qui ferait défaut
sinon ? »162. La Cour a toutefois considéré que la requête cambodgienne visait bien
à obtenir une interprétation de l'arrêt de 1962 et s'est reconnue compétente pour y
procéder.  Elle a néanmoins appliqué le principe dégagé antérieurement dans sa
jurisprudence, en vertu duquel la demande en interprétation doit « viser uniquement à faire éclaircir le sens et la portée de ce qui a été décidé avec force obligatoire
par l'arrêt, et non à obtenir la solution de points qui n'ont pas été ainsi décidés »163.
En revanche, la Cour ne s'est pas attardée sur la question du délai de présentation
phosphates exploitées qu'en décembre 1988 (CIJ, Certaines terres à phosphates à Nauru (Exceptions
préliminaires) (Nauru c. Australie), Arrêt du 26 juin 1992, Rec. 1992, p. 253, § 31). Si la notion d'abus
de procédure n'est pas mentionnée à ce stade du différend, elle figure néanmoins dans la cinquième
exception préliminaire introduite par l'Australie (Ibid., p. 255).
158. Ibid., pp. 253-254.
159. Dans son opinion dissidente, le juge Oda considère que la Cour ne devrait pas connaître de
la requête en raison du silence gardé par Nauru pendant plus de quinze ans, mais il ne fait aucune
mention d'un éventuel « abus de procédure » (CIJ, Certaines terres à phosphates à Nauru, Ibid.,
Opinion dissidente de M. le juge Oda, p. 324).
160. CIJ, Temple de Préah Vihéar (fond) (Cambodge c. Thaïlande), Arrêt du 15  juin 1962,
Rec. 1962, p. 36.
161. CIJ, Plaidoirie de la Thaïlande, Demande en interprétation de l'arrêt du 15  juin 1962 en
l'affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (mesures conservatoires), Ordonnance
du 18 juillet 2011, CR 2011/14, p. 30 ; CIJ, Plaidoirie de la Thaïlande, Demande en interprétation de
l'arrêt du 15  juin 1962 en l'affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), Arrêt du
11 novembre 2013, CR 2013/3, p. 11 ; Observations écrites de la Thaïlande, ibid., vol. I, p. 91.
162. CIJ, Demande en interprétation de l'arrêt du 15 juin 1962 en l'affaire du Temple de Préah
Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (mesures conservatoires), Ordonnance du 18 juillet 2011, Rec. 2011,
Opinion dissidente du juge ad hoc Cot, p. 629, § 11.
163. CIJ, Demande en interprétation de l'arrêt du 15 juin 1962 en l'affaire du Temple de Préah
Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), Arrêt du 11 novembre 2013, Rec. 2013, p. 503, § 55. La précision
mérite d'être soulignée car il est tentant pour les requérants de chercher à détourner les requêtes en
interprétation en essayant d'obtenir de la Cour qu'elle tranche des points qui relèvent d'une demande
nouvelle, qu'elle modifie l'arrêt initial ou qu'elle se prononce sur le non-respect de l'arrêt initial par
l'une des parties. En ce sens, voir : A. Geslin, G. Le Floch, « Chronique de jurisprudence de la Cour
internationale de Justice (2013-2014) », JDI, 2014, pp. 1283-1362, p. 1310.
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