Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 135 - L'abus de droit en droit international public - 329

LA RÉCEPTION DE L'ABUS DE DROIT PAR LES JURIDICTIONS INTERNATIONALES

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also touched upon -  albeit in a different wording and dealing with a particular situation  - in Article 56(2) of the Convention. [...] Due to this, Article 56(2) is a lex
specialis vis-à-vis Article 300 of the Convention »203.
486.  En pratique, les possibilités offertes par la CNUDM pour faire obstacle
aux comportements abusifs des États parties sont multiples. Erietta Scalieris souligne qu'un État qui souhaiterait se prémunir contre un abus de pouvoir discrétionnaire de l'État côtier lors de l'exercice de sa compétence de conservation des
ressources biologiques dispose de plusieurs garanties, à savoir « l'obligation de
tenir compte des droits des autres, la règle concernant les droits résiduels (article 59
de la CNUDM)204 et la procédure du règlement obligatoire des différends de la
partie XV de la CNUDM »205. De manière plus générale, l'auteure souligne que la
fonction de « mise en balance » des intérêts en présence qui est souvent recherchée
à travers l'invocation de la notion d'abus de droit n'a qu'un intérêt limité dans le
cadre de la CNUDM. En effet, la plupart des dispositions de la Convention
résultent déjà d'un compromis entre les intérêts respectifs des États côtiers et des
États tiers. Aussi, l'affirmation selon laquelle l'exercice d'un droit par un État
porte une atteinte disproportionnée aux droits d'un autre État serait donc vaine
dans la mesure où les intérêts de chacun auraient déjà été pris en compte au stade
de l'élaboration de la Convention et l'équilibre établi ne pourrait être rediscuté206.
En réalité, dans cette situation comme dans celles précitées, dès lors qu'une disposition conventionnelle consacre un droit de manière suffisamment précise et interdit d'exercer les droits de manière disproportionnée, l'invocation de l'« abus » perd
de son intérêt. L'illicéité qui sera constatée par le juge résultera de la violation de
la règle spécifique, et non de la violation de la prohibition de l'abus de droit.
487.  Ces remarques ne sont pas propres au droit international de la mer et
peuvent être étendues à d'autres domaines. De manière générale, le développement
du droit international conduit à une prolifération de normes juridiques qui limitent
d'autant plus les possibilités d'utilisation du principe d'interdiction de l'abus de
droit207. Les règles précises qui émergent constituent ainsi la lex specialis, qui sera
appliquée prioritairement par rapport à un principe général relativement vague,
quand bien même il serait consacré par une disposition telle que l'article 300. Cette
203. R. Wolfrum, « The Impact of Article 300 of the UN Convention on the Law of the Sea on
the Jurisdiction of International Courts and Tribunals », in Liber Amicorum für Torsten Stein zum 70.
Geburtstag, Baden-Baden, Nomos, 2015, pp. 383-392, p. 385.
204. L'article  59 de la CNUDM dispose en ces termes : « Dans les cas où la Convention
n'attribue de droits ou de juridiction, à l'intérieur de la zone économique exclusive, ni à l'État côtier ni
à d'autres États et où il y a conflit entre les intérêts de l'État côtier et ceux d'un ou de plusieurs autres
États, ce conflit devrait être résolu sur la base de l'équité et eu égard à toutes les circonstances
pertinentes, compte tenu de l'importance que les intérêts en cause présentent pour les différentes
parties et pour la communauté internationale dans son ensemble ». Dans la mesure où il tend à
s'appliquer dans des hypothèses où les droits n'ont pas été précisément définis, cet article permet une
mise en balance des intérêts en présence et joue un rôle semblable à l'interdiction de l'abus de droit. Il
s'applique toutefois de façon préférentielle par rapport à l'article  300 car ce dernier ne peut être
invoqué de manière autonome et suppose de déterminer au préalable la disposition qui aurait fait
l'objet d'un abus.
205. E. Scalieris, op. cit., p. 317. L'auteure prend pour exemple l'exercice du droit par l'État
côtier d'étendre sa mer territoriale jusqu'à 12 milles marins, qui résulte déjà d'un équilibre entre les
divers droits en présence. Dès lors, « parler de préjudice causé par l'exercice du droit conduit à refaire
la balance déjà effectuée ».
206. Ibid.
207. Voir infra §§ 558-561.
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