Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 24 - Le conflit né de la chronologie des opérations de liquidation des actifs isolés - 164

148 LE CONFLIT NÉ DE LA CHRONOLOGIE DES OPÉRATIONS DE LIQUIDATION DES ACTIFS ISOLÉS
alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne »280
,
dans le
premier cas, et alors même que celle-ci n'est pas encore exigible, si une partie est
convaincue de l'inexécution de l'obligation par le cocontractant à l'échéance281
dans le second. Les articles précités ne relèvent-ils pas plutôt de ces exceptions ?
Les deux qualifications semblent possibles lorsque, comme pour le vendeur d'immeuble,
la détention de la chose et la créance impayée résulte d'un même contrat
synallagmatique282
(contrat de vente ici), car ces obligations réciproques sont alors
au profit du vendeur, en application de l'article 2286 2° du Code civil. Or,
liées par une connexité juridique, propre à faire naître un droit de rétention autonome283
en
liquidation judiciaire, l'enjeu de cette qualification est essentiel, tant les régimes
juridiques de ces deux mécanismes de garantie diffèrent. Alors que le jeu de l'exception
d'inexécution est empêché par l'obligation faite au cocontractant du débiteur
de poursuivre l'exécution du contrat en cours dans l'attente de la décision de
l'organe compétent sur le sort du contrat284
tion a pour fondement une inexécution financière285
, à tout le moins lorsque cette excep,
la rétention fondée sur le
non-paiement d'une créance née avant le jugement d'ouverture est autorisée en
liquidation judiciaire, que le droit de rétention soit effectif ou fictif286
. Que décider
alors lorsque, comme en l'espèce, ces deux « mécanisme[s] de justice élémentaire
»287
sont également invocables par le créancier de l'obligation ? Doit-on faire
prévaloir le régime du droit de rétention, celui de l'exception d'inexécution ou
doit-on reconnaître une option quant au régime applicable au bénéfice du créancier
vendeur ? Plusieurs études d'ampleur relatives aux mécanismes de l'exception
d'inexécution288
et du droit de rétention289
ont été menées. Les plus convaincantes
280. C. civ., art. 1219.
281. C. civ., art. 1220.
282. En ce sens, v. R. CASSIN, « De l'exception tirée de l'inexécution dans les rapports
synallagmatiques (exceptio non adimpleti contractus) et de ses relations avec le droit de rétention, la
compensation et la résolution », th. dactyl. PARIS, 1914, p. 187 ; M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité
pratique de droit civil français, t. III, Les biens, LGDJ, 2e
éd. par M. PICARD, 1952, n° 445 ; J.-F
PILLEBOUT, Recherches sur l'exception d'inexécution, th. LGDJ, Coll. Bibl. dr. privé, t. CXIX, dir.
P. RAYNAUD, 1969, n° 32 ; J. MANDE-DJAPOU, « La notion étroite du droit de rétention »,
JCP 1976, 2760.
283. C. civ., art. 2286 2°.
284. Cass. com., 28 juin 2011, n° 10-19.463 ; D. Actu 7 juil. 2011, obs. A. LIENHARD ; JCP E
2011, 1713, obs. Ch. LEBEL ; Gaz. Pal. 7 oct. 2011, p. 24, obs. F. KENDERIAN ; RPC 2012-4, 129,
obs. Ph. ROUSELLE GALLE. Rendue en redressement judiciaire, cette solution est transposable en
liquidation judiciaire dès lors que s'applique également à la procédure liquidative le principe de
continuation des contrats en cours et que le liquidateur est tenu de résilier le contrat s'il ne peut payer
(C. com., art. L. 641-11-1). Pour un auteur toutefois, le créancier serait admis à opposer l'exception
d'inexécution après que l'administrateur a exercé son option, en cas de défaillance du débiteur :
v. E. CADOU, art. préc.
285. Cass. com., 28 mai 1996, n° 93-16.125 ; JCP E 1996, 584, obs. Ph. PETEL.
286. Le droit de rétention fictif de l'article 2286 4° du Code de commerce n'est inopposable
qu'en période d'observation, à défaut de texte similaire en liquidation judiciaire (C. civ., art. L. 622-7 et
L. 631-14).
287. T. DOUVILLE (dir.), La réforme du Droit des contrats. Commentaire article par article,
éd., 2016, p. 220.
Gualino, 1re
288. Parmi de très nombreuses thèses, v. R. CASSIN, De l'exception tirée de l'inexécution dans
les rapports synallagmatiques (exceptio non adimpleti contractus) et de ses relations avec le droit de
rétention, la compensation et la résolution, th. préc. ; J.-F. FILLEBOUT, Recherches sur l'exception
d'inexécution, th. préc. ; C. MALECKI, L'exception d'inexécution, th. préc.
289. Pour n'en citer que quelques-unes : OLLIER, Étude historique et juridique des cas
d'application de la rétention légale, th., TOULOUSE, 1894 ; P. BARRY, Le droit de rétention en droit
civil français, th. Paris, 1900 ; BOBES, Les cas d'application du droit de rétention, th. Paris, 1913 ;
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