Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 24 - Le conflit né de la chronologie des opérations de liquidation des actifs isolés - 210

194 LE CONFLIT NÉ DE LA CHRONOLOGIE DES OPÉRATIONS DE LIQUIDATION DES ACTIFS ISOLÉS
utiliser le bien retenu, mais non en disposer, sauf à payer intégralement le rétenteur,
un tel paiement spontané n'étant pas prohibé après la clôture de la liquidation judiciaire,
ou sauf à ce que le rétenteur renonce volontairement à sa rétention.
288. bilan : incidence de la situation du rétenteur au regard du conflit chronologique.
L'absence d'utilité et de valeur marchande suffisante du bien retenu prive
le rétenteur, titulaire d'une sûreté spéciale, des deux mécanismes d'extraction du
conflit chronologique fondés sur la rétention. À défaut de réalisation du bien
retenu, le concours des droits de préférence sur le prix de réalisation s'avère impossible.
Le conflit chronologique n'a donc plus lieu d'être. Si la spoliation aléatoire
est évitée, le créancier demeure cependant impayé à la clôture de la procédure
pour insuffisance d'actif. Après clôture toutefois, il conserve une chance d'obtenir
le paiement volontaire de sa créance par le débiteur redevenu in bonis si celui-ci
souhaite libérer le bien grevé retenu.
C. L'OBSTACLE CONSTITUé PAR LES DROITS EXCLUSIFS
DES AUTRES CRéANCIERS
289. faiblesse congénitale du droit de rétention. L'extraction du rétenteur, titulaire
d'une sûreté préférentielle spéciale, du conflit né de la chronologie aléatoire des
opérations de liquidation des actifs isolés, par le truchement des mécanismes de
retrait et de report, peut également être entravée par des conflits de créanciers qui
constituent « l'une des faiblesses les plus marquées des situations d'exclusivité »139
.
Car, si le droit de rétention place ce rétenteur, en dehors du concours avec les droits
de préférence des privilèges généraux dans le cadre du retrait contre paiement, et au
tout premier rang du concours dans le cadre du report du droit de rétention sur le
prix de réalisation, il ne le soustrait pas à la « concurrence » des droits exclusifs dont
pourraient se prévaloir d'autres créanciers sur le bien retenu, tels que le droit de
propriété du vendeur réservataire (1) ou un autre droit de rétention (2).
1. Le droit de propriété du vendeur réservataire
290. hypothèse de conflit entre un gagiste mobilier rétenteur et un vendeur
réservataire. Lorsqu'un meuble corporel est vendu à crédit sous réserve de propriété,
l'acquéreur peut être amené à consentir à un banquier (bien qu'il ne soit
pas encore propriétaire du meuble faute d'en avoir payé intégralement le prix), un
gage assorti d'un droit de rétention sur ce bien, pour obtenir un nouveau financement.
Si, postérieurement à la constitution du gage mobilier, une liquidation
judiciaire s'ouvre à l'encontre de l'acquéreur, le liquidateur judiciaire va devoir
trancher le conflit qui oppose le droit de propriété du vendeur réservataire au
droit de rétention du gagiste mobilier. Dans cette conjoncture, le créancier gagiste
peut-il bénéficier des mécanismes de retrait et de report pour s'extraire du conflit
chronologique, alors que le vendeur réservataire dispose, en sa qualité de propriétaire,
d'une action en revendication ? En pratique, la solution va dépendre de la
possibilité pour le gagiste mobilier d'invoquer, à l'encontre du réservataire revendiquant,
l'effet acquisitif de l'article 2276 du Code civil.
291. admission jurisprudentielle classique du bénéfice de l'article 2276 du
code civil au profit du gagiste avec dépossession. De longue date140
, en dépit du fait
139. L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, th. préc., n° 522.
140. Cass. civ., 22 juin 1858 ; DP 1858, 1, 328 ; S. 1958, 1, 591 - Cass. req., 12 mars 1888 ;
DP 1888, 1, 404 ; S. 1888, 1, 264 ; Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 1, 12e
éd., 2007, n° 85

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