Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 24 - Le conflit né de la chronologie des opérations de liquidation des actifs isolés - 243

Titre 1
la résoluTion subsTanTielle
du confliT chronologique
341. Possible résolution substantielle du conflit chronologique. La spoliation
aléatoire des titulaires de sûretés spéciales dépourvues de prérogatives d'exclusivité
n'est pas une fatalité dans le cadre des opérations de distribution en liquidation
judiciaire. Elle n'a cours que parce qu'il n'existe aucune réglementation sur la
manière dont les créances garanties par les privilèges généraux doivent être imputées
sur les différentes masses de fonds procéduraux composant leur assiette, à
l'exception peut-être de la règle d'imputation subsidiaire sur les immeubles posée
par l'article 2376 du Code civil1
, si l'on admet son applicabilité en procédure collective2
les
masses de fonds3
. Le liquidateur judiciaire est ainsi « autorisé » à imputer ces créances sur
successivement distribuées, même si ces masses de fonds sont
grevés de sûretés préférentielles spéciales (de rang inférieur). Pourtant, en présence
de masses de fonds non grevés de sûretés spéciales dans l'actif procédural
distribuable, cette imputation contre nature4
pourrait être évitée. Dès lors que de
telles masses sont incluses dans l'assiette des privilèges généraux, pourquoi ne pas
les utiliser prioritairement pour payer les créances garanties par ces privilèges ?
Cela préserverait au maximum l'assiette des sûretés spéciales de l'emprise des privilèges
généraux sans modifier a priori les chances de désintéressement de ces
derniers. Et si le volume de ces masses de fonds non grevés s'avère insuffisant pour
désintéresser l'ensemble des créances garanties par un privilège général dont on a
rappelé l'importance en présence de salariés notamment5
, pourquoi ne pas utiliser,
par souci d'équité, toutes les masses de fonds grevés de sûretés préférentielles
spéciales entrant dans l'assiette d'un même privilège général pour payer le reliquat
de la créance garantie par ce privilège ? Cela nécessiterait simplement d'imputer
une quote-part de cette créance sur le produit de réalisation de chaque bien grevé
d'une sûreté spéciale entrant dans l'assiette du privilège général, selon une clef
d'imputation proportionnelle.
1. En ce sens, v. M. GUASTELLA, Les grands principes des répartitions dans les procédures
collectives, L'Harmattan, Coll. Droit privé et sciences crim., 2019, n° 286.
2. La règle de subsidiarité sur les immeubles sera analysée ultérieurement : v. infra n° 369 s.
3. Sur la notion de masse de fonds, v. supra n° 101.
4. Elle est contre nature car le bien grevé par une sûreté préférentielle spéciale est spécialement
affecté au paiement de la créance qu'elle garantit, ce qui implique que la créance garantie doit être
imputée sur le produit de réalisation du bien grevé chaque fois que cela est possible : v. infra n° 374 s.
5. Sur le développement exponentiel des créances garanties par un privilège général en nombre
et en volume, v. supra n° 155.

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