Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 24 - Le conflit né de la chronologie des opérations de liquidation des actifs isolés - 268

252 LE CONFLIT NÉ DE LA CHRONOLOGIE DES OPÉRATIONS DE LIQUIDATION DES ACTIFS ISOLÉS
(comparée aux montants des créances garanties par les seconds) nécessitait, pour
assurer leur paiement, de leur octroyer la primauté sur les privilèges spéciaux dont
ils ne menaçaient pas l'assiette119
ordinaires en volume au cours des dernières décennies120
. L'inflation des privilèges doublement généraux
a ébranlé l'édifice construit
par le législateur de 1804, fissurant l'équilibre entre ces intérêts antagonistes121
. L'insertion
des privilèges doublement généraux de la procédure collective dans le champ
d'application de la règle aggraverait le déséquilibre, ne permettant plus à la règle de
la subsidiarité sur les immeubles de compenser à suffisance leur primauté sur les
privilèges immobiliers spéciaux car les masses de fonds d'origine mobilière seraient
fréquemment insuffisantes pour apurer les privilèges doublement généraux. En
outre, cela aboutirait à sacrifier davantage les titulaires de sûretés mobilières spéciales.
L'application de la règle de la subsidiarité sur les immeubles aux privilèges
doublement généraux de la procédure collective serait donc contraire à la ratio
legis122
.
388. inapplicabilité de la règle de la subsidiarité sur les immeubles au privilège
ordinaire des frais de justice. Inapplicable aux privilèges doublement généraux de la
procédure collective, la règle de la subsidiarité sur les immeubles l'est également,
pour des raisons plus techniques, au privilège ordinaire des frais de justice, en dépit
du fait qu'il soit expressément visé par l'article 2376 du Code civil, en raison du
119. Sur le rôle de la règle de la subsidiarité sur les immeubles, v. supra n° 371.
120. Sur cette inflation, v. supra n° 155.
121. En ce sens également, v. B. DUREUIL, « Les opérations de liquidation », obs. sous CA
Bordeaux, 14 mars 1988 ; RPC 1989-2, p. 239, obs. B. DUREUIL : « Le privilège des salariés a été
transcrit dans les articles 2104 et 2015 du Code civil [...]. Ce faisant les rédacteurs de 1804 n'avaient pu
prévoir l'essor industriel qui allait bouleverser la composition du patrimoine ni mesurer le poids de la
masse salariale à prendre en compte en cas d'arrêt brutal d'une entreprise ».
122. Contra en se fondant sur la ratio legis autrement interprétée : v. M. GUASTELLA, op. cit.,
n° 295 s.
123. En faveur de la non-application de la règle de la subsidiarité sur les immeubles aux privilèges
doublement généraux de la procédure collective, v. L. AYNES et alii, op. cit., n° 467. En faveur de la
non-application de la règle au superprivilège des salaires et au privilège de la procédure, v. J. MESTRE,
E. PUTMAN et M. BILLIAU, op. cit., n° 569 s. ; M. ROULAND, La qualité de la créance, th. préc.,
n° 19. Pour justifier ce positionnement, ces derniers se fondent toutefois sur les droits de prélèvement
dont
bénéficient
les
titulaires
de
ces
privilèges doublement
généraux,
lesquels
s'exercent
obligatoirement, sur les premières rentrées de fonds, s'agissant du superprivilège et, à l'échéance sur
les fonds disponibles, s'agissant du privilège des créances postérieures utiles, indépendamment de
l'origine mobilière ou immobilière de ces fonds, ce dont ces auteurs déduisent que la règle de la
subsidiarité sur les immeubles ne peut pas concerner ces privilèges. Certaines décisions anciennes de
juges du fond ont abondé en ce sens, réfutant, pour cette raison, l'application de la règle de la
subsidiarité sur les immeubles au superprivilège des salaires : v. not., CA Bordeaux, 14 mars 1988,
préc. L'argument ne convainc pourtant pas car il repose sur un amalgame entre le droit de prélèvement
et le droit de préférence offerts aux titulaires de ces privilèges. Assurément, la règle de la subsidiarité
sur les immeubles n'a pas vocation à s'appliquer dans le cadre de la mise œuvre du droit de prélèvement
qui opère un paiement « hors concours » sur n'importe quelle masse de fonds disponibles car elle a
pour fonction de contrebalancer les effets de la primauté des privilèges doublement généraux sur les
privilèges immobiliers spéciaux pour protéger l'assiette de ces sûretés spéciales lorsqu'elles sont
susceptibles d'entrer en concours avec les premiers sur le prix de réalisation de l'immeuble grevé. Mais
l'inapplicabilité de la règle dans le cadre des droits de prélèvement ne saurait être utilement invoquée
pour réfuter son application lorsque sont en jeu les droits de préférence des titulaires du superprivilège
ou du privilège de la procédure. En ce sens, v. V. BREMOND, fasc. préc., n° 36. Adde C. FAVREROCHEX,
Sûretés et procédures collectives, th. LGDJ, Coll. Bibl. dr. privé, t. 19, dir. M. GRIMALDI,
2020, n° 543. Pour justifier l'éviction totale de la règle en procédure collective, l'auteur se fonde sur
l'« archaïsme » de la règle, « traduction juridique de la supériorité passée de la propriété immobilière,
alors que celle-ci ne reflète assurément plus la situation patrimoniale des débiteurs ».
. Ces arguments nous semblent justifier, à eux seuls, de ne pas étendre à ces
privilèges le jeu de l'article 2376 du Code civil123

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