Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 71 - Le risque en droit pénal - 292

276
LE RISQUE EN DROIT PÉNAL
La mesure de sûreté peut encore avoir un objet plus large que celui du risque
de récidive : il peut s'agir d'un risque de renouvellement de l'infraction. À titre
d'exemple, le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions
sexuelles ou violentes a pour finalité, selon les termes de l'article 706-53-1 du
Code de procédure pénale, de « prévenir le renouvellement des infractions ». De
même, le fichier national automatisé des auteurs d'infractions terroristes, créé par
la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement, a notamment pour
objet de « prévenir le renouvellement des infractions mentionnées à l'article
706-25-4 et de faciliter l'identification de leurs auteurs »84
. Dans ces dernières
ces hypothèses, la mesure de sûreté vise à réguler un risque de commission d'une
infraction, ce risque prenant sa source dans la personnalité de l'auteur de l'infraction,
sanctionné ou non par une décision judiciaire, et entretenant un rapport de
causalité, virtuel, avec une infraction potentielle.
429. Lien de causalité entre infraction d'origine et risque de commission d'une
nouvelle infraction. La question se pose aussi de savoir si, à l'instar des peines, un
lien de causalité doit exister entre la mesure de sûreté et l'infraction d'origine.
Seulement, la mesure de sûreté étant déterminée en fonction de la personnalité de
l'auteur de l'infraction et non au regard de l'infraction commise, il apparaît difficile
de conclure à l'existence d'un rapport de causalité entre l'infraction d'origine
et la mesure de sûreté.
À propos de la rétention de sûreté, la Commission nationale consultative des
Droits de l'Homme a pu estimer dans un avis du 7 février 2008, que « le lien de
causalité entre une infraction et la privation de liberté est rompu. La personne
n'est plus condamnée en raison de l'infraction, puisqu'elle a purgé sa peine. Mais
elle reste l'auteur virtuel d'une infraction possible. La mesure sera alors prononcée
sur la base de « la particulière dangerosité du condamné », soit un qualificatif
flou lié à la personnalité de l'individu et sans aucun rapport avec un élément matériel,
le fait. De ce point de vue, le projet de loi remet en cause les principes fondamentaux
du droit pénal issus de la Révolution de 178985
. Une partie de la doctrine
pénaliste a également pu critiquer cette absence de lien de causalité entre l'infraction
précédemment commise et la mesure appliquée86
.
Une telle position mérite d'être nuancée, le système pénal français ayant fait le
choix de systématiquement « adosser » les mesures de sûreté à une infraction préalablement
commise87
: les mesures de sûreté ne sont pas infligées ante delictum mais
énumérées, une durée minimale de la condamnation prononcée à l'encontre de la personne dangereuse
(Art. 706-53-13 CPP) et une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise
médicale réalisée par deux experts de la personne placée pendant une durée minimale de six semaines
dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues (art. 706-53-14 CPP).
84. Art. 706-25-3 CPP.
85. CNCDH 7 février 2008, Avis sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la
déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental, consultable sur : www.cncdh.fr, § 7.
86. J. Alix, « Une liaison dangereuse. Dangerosité et droit pénal en France », art. préc., p. 67 :
« le lien de causalité entre l'infraction précédemment commise et la mesure appliquée est trop distendu
pour avoir une quelconque valeur ».
87. Une telle infraction peut être ou non sanctionnée par une décision de condamnation. C'est
le cas par exemple du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou
violentes, institué par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, dont la finalité est de « prévenir le
renouvellement des infractions » (art. 706-53-1 et s. CPP) et qui concernent l'ensemble des décisions
pouvant renseigner sur la prévention d'une rechute, qu'elles soient de condamnation ou non. C'est
encore le cas des mesures de sûreté décidées à la suite d'une déclaration d'irresponsabilité pénale : de

http://www.cncdh.fr

Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 71 - Le risque en droit pénal

Table des matières de la publication Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 71 - Le risque en droit pénal