Bibliothèque de droit privé - Tome 612 - La relation entre l'arbitre et les parties - 100

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LA RELATION ENTRE L'ARBITRE ET LES PARTIES
cela puisse paraître surprenant au premier abord, voyons à présent que le lien
d'instance arbitrale est, au même titre que le lien d'instance judiciaire, de nature
légale et processuelle.
§ 2. LA NATURE DU LIEN D'INSTANCE ARBITRALE
87. Exposé de la conception contractuelle du lien d'instance arbitrale. Nous
l'avons rappelé, la justice arbitrale est naturellement présentée, en raison de son
origine conventionnelle, comme une justice privée. Du choix de recourir à l'arbitrage
au choix des arbitres appelés à connaître du litige, l'arbitrage semble sans
conteste bâti sur la seule volonté des parties. C'est donc par mimétisme que le
concept de contrat a été utilisé pour qualifier juridiquement la relation qu'entretiennent
les parties avec l'arbitre, une fois que ce dernier est effectivement saisi du
litige. Au surplus, l'origine de ce rapport, dont la qualification est héritée du droit
romain, conduit inexorablement à retenir la figure contractuelle86
.
Pourtant, il n'est pas certain que l'arbitrage contemporain ait conservé toutes
les caractéristiques qu'il pouvait avoir en partage avec l'Arbitrium ex Compromisso87
auquel on le compare généralement. De plus, les raisons ayant peu à peu conduit
la doctrine à prendre ses distances avec la théorie contractuelle du lien d'instance
entre le juge étatique et les parties88
pourraient aussi bien justifier aujourd'hui le
même abandon s'agissant du lien qui unit l'arbitre aux litigants dans le cadre de
l'instance arbitrale.
Plus généralement, une conception contractuelle trop extensive de l'arbitrage
ne paraît pas exprimer l'actuelle volonté du législateur dans sa politique de faveur
pour cette justice concurrente et, en même temps, alliée de la justice étatique. Ce
serait, en effet, nier que « la présence de règles de droit [n'est] pas exclusive de la
liberté contractuelle ; au contraire un droit complexe et élaboré peut avoir pour objet
de favoriser l'initiative privée »89
. Le rapport juridique créé entre les parties et l'arbitre
est justement le reflet de cette réalité. En dépit de l'origine conventionnelle
du pouvoir de l'arbitre, le droit de l'arbitrage intervient en amont pour déterminer
son rôle et ses devoirs ainsi que ceux des parties dans le cadre de l'instance. Il
nous semble alors, tout comme l'avait fait remarquer Lord Mustill au sujet de
l'Arbitration Act de 1996, que « les relations entre l'arbitre et les parties [ont] cessées
d'être de nature contractuelle pour devenir, sous certains aspects au moins, une
question de statut légal »90
.
Ainsi, pour conclure à la nature légale et processuelle du lien d'instance arbitrale
et observer les intérêts d'une telle qualification (B), nous commencerons par
présenter le lien d'instance arbitrale pour ce qu'il n'est pas, c'est-à-dire un rapport
de nature contractuelle (A).
86. V. supra, n° 4 et s., n° 15 et n° 80.
87. L'arbitrage sur compromis est présenté comme la « figure la plus achevée de l'arbitrage privé
en droit romain », B. de Loynes de Fumichon, M. Humbert, « L'arbitrage à Rome », Rev. arb., 2003,
n° 2, p. 285, spéc. p. 323.
88. V. supra, n° 76.
89. J. Billemont, thèse préc., p. 15, spéc. n° 14.
90. Sir M. J. Mustill, « La nouvelle loi anglaise sur l'arbitrage de 1996 : philosophie, inspiration,
aspiration », Rev. arb., 1997, n° 1, p. 29, spéc. p. 41. Dans le même sens, B. Berger, F. Kellerhals,
International and Domestic Arbitration in Switzerland, Stämpfli Publishers, 2015, p. 344.
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