Bibliothèque de droit privé - Tome 612 - La relation entre l'arbitre et les parties - 225

LA FORMATION DE LA RELATION
209
L'erreur sur l'indépendance, en raison de la non-révélation de certains faits, a
d'ailleurs été récemment invoquée devant les juridictions françaises pour contester
la validité d'un contrat d'investiture à la suite d'une tentative échouée d'annulation
de la sentence arbitrale. Nous verrons que, dans la mesure où toutes les
parties au contrat d'investiture n'avaient pas été attraites à la cause, l'action en
nullité de ce contrat a été déclarée irrecevable65
.
254. Dangers de l'action en nullité du contrat d'arbitre. Il est bien connu qu'un
acte dont la nullité a été prononcée, en raison d'un consentement vicié par l'erreur
sur les qualités essentielles d'un cocontractant, ne produit aucun effet. La nullité a
pour effet de remettre rétroactivement en cause une situation existante. Envisager
la possibilité pour les litigants d'agir en nullité, non de la convention d'arbitrage,
mais du contrat d'arbitre, afin de mettre en cause les qualités de l'arbitre, n'est pas
sans dangers. En effet, la nullité de ce contrat pourrait avoir pour conséquence
d'anéantir rétroactivement la mission de l'arbitre en ce sens que celle-ci serait réputée
n'avoir jamais existé. Une telle solution, certes garante de la préservation de la
convention d'arbitrage, est néanmoins susceptible d'encourager les contestations
au stade de la constitution du tribunal arbitral. Émergerait alors un réel contentieux
civil à l'occasion duquel une sanction contractuelle, concurrente des sanctions
propres au droit de l'arbitrage, pourrait être prononcée.
C. RISQUE DE CONCURRENCE ENTRE LES SANCTIONS
255. Existence d'un risque de concurrence. À première vue, la nullité du supposé
contrat d'arbitre devrait se distinguer, par sa nature comme par ses effets,
des sanctions propres au droit de l'arbitrage. Nous venons néanmoins d'observer
qu'une telle action pouvait permettre la mise en cause des qualités essentielles de
l'arbitre, lesquelles peuvent pourtant être contrôlées à l'occasion d'une demande
de récusation ou du contrôle de la sentence. La méconnaissance par l'arbitre de
l'un de ses devoirs inhérent à la fonction juridictionnelle est alors susceptible
d'être sanctionnée tant sur un plan procédural que sur un plan civil. Cela n'est
possible que si l'on admet que de tels devoirs s'apparentent aux qualités essentielles
d'une prestation au sens de l'article 1132 du Code civil66
. Se pose alors la
question de la finalité d'une telle action en nullité du contrat d'arbitre. À notre
sens, si cette action se distingue par son objet - le prononcé de la nullité d'un
contrat - elle n'a d'autres fins que de parvenir au résultat d'une demande en récusation
ou en nullité de la sentence arbitrale. S'instaurerait un véritable risque de
concurrence entre les sanctions ; concurrence elle-même susceptible de soulever
de multiples difficultés.
Il serait vain, dans le cadre de cette étude, de vouloir toutes les identifier,
d'autant que la jurisprudence ne fournit, heureusement, que de rares exemples de
demandes tendant au prononcé de la nullité d'un contrat d'arbitre ou de questions
voisines. On se bornera donc à envisager les principales difficultés pouvant
être engendrées par une action en nullité de ce contrat suivant que celle-ci est
exercée avant (1) ou après la reddition de la sentence (2). Dans les deux cas, nous
verrons qu'une telle action est susceptible d'entrer en conflit avec les instruments
65. TGI Pointe-à-Pitre, 1re
Ch. civile, 4 mai 2017, Rev. arb., 2017, n° 3, pp. 1065-1066. Sur ce
jugement, v. infra, n° 262.
66. « L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du
contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant ».

Bibliothèque de droit privé - Tome 612 - La relation entre l'arbitre et les parties

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit privé - Tome 612 - La relation entre l'arbitre et les parties