Bibliothèque de droit privé - Tome 612 - La relation entre l'arbitre et les parties - 93

LES MANIFESTATIONS DE LA RELATION
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§ 1. LES PERSONNES ENGAGÉES
DANS LE LIEN D'INSTANCE ARBITRALE
81. Processus de création du lien d'instance arbitrale. Il a pu être écrit que si
devant le juge étatique, la demande initiale était la première étape de la liaison de
l'instance, un tel schéma ne jouait pas dans l'arbitrage dans la mesure où « [a]vant
de pouvoir présenter une demande, il faut d'abord constituer le tribunal arbitral »42
.
Sans être totalement inexacte, cette présentation souffre néanmoins d'une certaine
approximation. Il est vrai que le tribunal arbitral, contrairement au juge
étatique, ne peut être saisi de manière effective qu'après avoir été constitué. Cependant,
il est très fréquent en pratique que la procédure arbitrale débute par une
demande (initiale) d'arbitrage43
. En effet, celle-ci peut consister soit en une lettre
adressée par le demandeur à son cocontractant l'informant de son intention de
mettre en œuvre la convention d'arbitrage, soit en une requête directement adressée
à un centre d'arbitrage, lequel sera chargé de la notifier au défendeur. Cette
requête comprend, le plus souvent, outre les informations concernant les parties,
un exposé de l'objet du litige et des demandes. Celles-ci sont alors nécessairement
présentées avant que le tribunal arbitral ne soit constitué44
. Du reste, il peut arriver
que la partie demanderesse amorce le processus de constitution du tribunal arbitral
en inscrivant, dans sa requête d'arbitrage, le nom du coarbitre ou de l'arbitre
unique, selon le cas, qu'elle entend voir désigner.
Dès lors, l'instance judiciaire semble se distinguer de l'instance arbitrale dans
la mesure où, dans la première, le lien d'instance se crée par la demande initiale,
laquelle introduit l'instance45
alors que, dans la seconde, la création du lien d'instance
ne pourrait découler véritablement de la requête d'arbitrage puisque celleci,
« si elle constitue une étape dans l'introduction de l'instance arbitrale, [elle] n'en
constitue pas le point de départ »46
. Or, si la demande d'arbitrage constitue une
étape dans l'introduction de l'instance, n'est-elle pas aussi une étape de la création
du lien d'instance arbitrale ? La particularité tenant à la constitution du tribunal
arbitral inviterait, de prime abord, à s'y opposer. En réalité, il nous semble précisément
nécessaire de faire le départ entre la création du lien d'instance entre les
parties et la saisine du tribunal arbitral (A). Une fois effectuée, cette distinction
permet de comprendre l'articulation des rapports qui existent entre les parties et
les parties et l'arbitre. Le lien d'instance arbitrale naît, dans un premier temps,
entre les parties à la convention d'arbitrage et inclut, dans un second temps, l'arbitre,
lorsqu'il est effectivement saisi du litige (B).
A. DISTINCTION ENTRE CRÉATION DU LIEN D'INSTANCE
ENTRE LES PARTIES ET SAISINE DU TRIBUNAL ARBITRAL
82. Création du lien d'instance et saisine du juge étatique. En droit judiciaire
privé, si la demande introductive d'instance a pour effet de créer un lien juridique
42. Ibid., p. 181, spéc. n° 251.
43. En ce sens, Ch. Seraglini, J. Ortscheidt, op. cit., p. 330, spéc. n° 314.
44. V. par ex. art. 4 du Règlement d'arbitrage de la CCI.
45. S. Amrani-Mekki, Y. Strickler, op. cit., p. 319.
46. Ch. Seraglini, J. Ortscheidt, op. cit., p. 331, spéc. n° 315. V. aussi : É. Loquin (L'arbitrage
du commerce international, Joly éditions, Lextenso, 2015, p. 304, spéc. n° 364) qui admet, que la
demande d'arbitrage déclenche le processus de constitution du tribunal arbitral.
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