Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 25 - Le principe d'égalité entre créanciers - 176

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LE PRINCIPE D'ÉGALITÉ ENTRE CRÉANCIERS
du Code civil dont l'application a finalement été limitée aux engagements portant
sur des activités artistiques et intellectuelles131
. Selon cette analyse, la solution
retenue par la Cour de cassation n'était pas justifiée d'un point de vue juridique,
car toute obligation de faire n'entraînait pas systématiquement l'octroi de dommages-intérêts.
Dès lors, l'action ne pouvait être soumise automatiquement à
l'interdiction des paiements. Seules les hypothèses où l'exécution en nature était
impossible devaient être subordonnées aux règles de la procédure collective132
.
Une telle solution est d'autant moins justifiée du point de vue de la sanction
depuis la réforme du 10 février 2016 qui a modifié les dispositions applicables en
cas d'inexécution contractuelle. Toute inexécution d'une obligation de faire n'est
plus, du point de vue légal, résolue automatiquement par l'octroi de dommagesintérêts.
Le cocontractant a dorénavant le choix entre différentes possibilités de
résolution qui ne présentent pas d'ordre hiérarchique133
. L'atteinte au principe
d'égalité est donc relative et dépend en réalité de la sanction demandée.
258. Mais l'atteinte au principe d'égalité ne réside pas seulement dans l'octroi
du paiement de dommages-intérêts. La réalisation de la prestation oblige le
débiteur à acheter des matériaux. Il devra pour cela effectuer un paiement pour
réparer un dommage dont la cause est antérieure à la procédure. Il ne s'agit pas
d'un paiement direct mais indirect d'une créance née antérieurement à la procédure.
Il y a donc effectivement une atteinte à l'égalité entre créanciers. C'est dans
ce sens qu'un arrêt du 17 juin 1997 a été rendu. En l'espèce, des travaux exécutés
par une société avaient entrainé un affaiblissement du terrain mettant en cause la
stabilité de la propriété. Une expertise ayant conclu à la nécessité de construire un
mur de soutènement, la société a été assignée en justice afin que soient réalisés les
travaux. La Cour de cassation, au visa du principe d'égalité entre créanciers, casse
l'arrêt de la Cour d'appel, car la demande d'exécution d'une obligation de faire
« impliquait des paiements de sommes d'argent pour une cause antérieure au jugement
d'ouverture »134
. Sans statuer sur la sanction de l'inexécution d'une obligation
de faire, la chambre commerciale relève que l'opération oblige à débourser
des fonds pour une cause antérieure au jugement d'ouverture. Indirectement,
selon les juges, le règlement des matériaux revient à contourner l'interdiction des
paiements. Certes, le principe d'égalité semble ici poussé à son paroxysme, car une
telle solution « dilate le domaine de l'article 47 qui est nettement délimité par le
critère d'une somme d'argent »135
. En l'espèce, la demande portait sur une exécution
en nature et ne visait pas à diminuer directement le gage commun des créanciers.
Mais, indirectement, en payant les matériaux nécessaires à la réalisation des
travaux, le débiteur désintéressait les créanciers dont la créance est née antérieurement
à la procédure collective. Une parfaite égalité de traitement entre le créancier,
qui demande la réalisation d'une obligation de faire pour une cause antérieure
au jugement d'ouverture et le créancier, qui réclame le paiement d'une somme
d'argent pour une créance née avant l'ouverture de la procédure136
, est établie.
L'obligation de faire entraîne directement ou indirectement le paiement d'une
131. Ibid. spéc. n° 6
132. M. Cabrillac, note sous Cass. com., 9 juillet 1996, JCP E 1997, I, n° 623
133. N. Dissaux, Ch. Jamin, Réforme du droit des contrats, du régime général de la preuve des
obligations, Dalloz, 2016, spéc. p. 122
134. Cass. com., 17 juin 1997, n° 94-14.109, Bull. IV n° 192, p. 168, RTD com. 1997, p. 684, note
A. Martin-Serf ; D. 1997, p. 311, note A. Honorat ; RPC 1998, p. 282, obs. F. Macorig-Venier
135. M. Cabrillac, « op. cit. », spéc. n° 623
136. A. Honorat, note sous Cass. com., 17 juin 1997, D. 1997, p. 311
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