Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 25 - Le principe d'égalité entre créanciers - 192

180
LE PRINCIPE D'ÉGALITÉ ENTRE CRÉANCIERS
donc parachever ce régime en sanctionnant les actes qui, de prime abord, apparaissent
normaux et n'entraînent pas de rupture d'égalité mais qui, après étude,
révèlent un caractère frauduleux, car ils visent à favoriser un créancier au détriment
des autres. Parallèlement aux nullités obligatoires, le législateur a instauré
différents cas de nullité facultative subordonnés à la mauvaise foi du cocontractant244
.
L'extension des hypothèses de nullité assure une égalité parfaite entre les
créanciers. Toutefois, ces actes n'étant pas en eux-mêmes manifestement frauduleux,
deux conditions cumulatives doivent être remplies : les actes annulables sont
les paiements pour dettes échues, ainsi que tous les actes à titres onéreux et les avis
à tiers détenteurs, effectués depuis la date de cessation des paiements245
. Par ailleurs,
la sanction est encourue si les créanciers ont eu connaissance de cet
état. Seuls les actes qui ont conduit à une diminution du droit de gage général,
alors que le créancier connaissait indubitablement la situation du débiteur et en a
profité pour obtenir un avantage au détriment des autres créanciers, doivent être
annulés conformément à l'impératif de sécurité juridique.
281. La connaissance n'est pas caractérisée si le créancier a seulement été
informé des difficultés rencontrées par le débiteur. En effet, la Cour de cassation
exige une parfaite connaissance de la situation de l'entreprise : les juges doivent
rechercher si le créancier savait précisément que le débiteur ne pouvait plus faire
face au passif exigible avec son actif disponible246
. La connaissance de l'état de
cessation des paiements prouve la volonté du créancier d'échapper aux désagréments
de la procédure collective en obtenant un traitement plus favorable qu'un
autre créancier, soit en échappant à toute discipline collective, soit en acquérant
un rang plus avantageux lors du désintéressement par ordre. La volonté d'obtenir
un traitement préférentiel doit être manifeste et aucune présomption n'est
établie dans ce domaine. Ainsi, le statut de dirigeant de la personne morale n'est
pas un élément suffisant pour caractériser la connaissance personnelle du créancier
de la situation du débiteur247
corroboré par d'autres éléments248
, il s'agira tout au plus d'un indice qui devra être
. Certes, l'appréciation in concreto de la
connaissance personnelle de l'état de cessation des paiements assure la sécurité
juridique des transactions249
mais, comme toute preuve psychologique, une telle
démonstration sera parfois difficile à rapporter et entraînera le maintien des
actes à l'origine d'une rupture d'égalité entre créanciers. Si tous les actes antérieurs
à la procédure ne peuvent faire l'objet d'une annulation, au risque de porter
atteinte à la sécurité des transactions indispensables à la bonne conduite des
244. Excepté pour les nullités facultatives relatives aux donations de biens mobiliers et
immobiliers et à la déclaration d'insaisissabilité de la résidence du débiteur qui peuvent être prononcées
dans les six mois antérieurement à la date de cessation des paiements.
245. Sont également visés au titre des nullités facultatives les actes translatifs de propriété
effectués à titre gratuit et la constitution d'une déclaration notariée d'insaisissabilité dès lors qu'ils ont
été effectués dans les six mois précédant la date de cessation des paiements (Article L. 632-1 II du
Code de commerce)
246. Cass. com., 8 mars 1994, n° 92-10.429, inédit, RPC 1995, p. 67, obs. B. Lemistre.
247. Cass. com., 19 novembre 2013, n° 12-25.925, Bull. IV, n° 169 ; D. 2013, p. 2767,
obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2014, p. 203, note L.-C. Henry ; Gaz. Pal. 12 janvier 2014, n° 12-14,
p. 33, note Ph. Roussel Galle ; BMIS 2014 p. 106, note E. Mouial Bassilana ; BJE 2014, p. 102,
note S. Benilsi ; LPA 11 avril 2014, n° 73, p. 16, note Th. Stefania ; Dr. sociétés 2014, p. 41, note
J.-P. Legros ; RTD com. 2014, p. 698, obs. A. Martin-Serf.
248. Cass. com., 28 mai 1996, n° 94-10.688, Bull. IV, n° 152 ; Defrénois 1997, p. 470, note P. Le
Cannu.
249. L.-C. Henry, note sous Cass. com., 19 novembre 2013, Rev. sociétés 2014, p. 203

Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 25 - Le principe d'égalité entre créanciers

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 25 - Le principe d'égalité entre créanciers