Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 25 - Le principe d'égalité entre créanciers - 21

INTRODUCTION GÉNÉRALE
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mention expresse de ce principe et de sa signification dans la législation63
. Les
seules références au principe en droit français sont issues de la jurisprudence qui
fonde régulièrement ses décisions sur cette norme, sans pour autant la définir64
.
Le droit de l'Union européenne pourrait apporter davantage de clarté puisque le
Règlement insolvabilité bis comprend plusieurs références à « l'égalité de traitement
des créanciers »65
. Mais à l'instar du droit français, le droit de l'Union européenne
est lacunaire sur ce point, l'égalité entre créanciers n'ayant jamais fait
l'objet d'une définition précise en droit de l'insolvabilité. Le Règlement européen
n'apporte donc pas plus de précision sur les contours de la notion. Le même
constat peut être établi à l'égard de la doctrine qui bien souvent se contente d'examiner
les manifestations du principe d'égalité, sans jamais apporter de définition
complète de la notion. Or, l'absence de définition conduit à de mauvaises applications
et analyses de la norme. Dans ces circonstances, toute étude du principe
d'égalité en procédure collective apparaît vaine. Face à ce constat, nous ne pouvons
que partager l'avis du Professeur Cabrillac selon lequel le principe d'égalité
fait figure d'« auberge espagnole où chacun apporte ce qu'il veut y trouver »66
.
63. Tout au plus peut-on trouver une vague référence au principe dans les débats parlementaires
du 5 avril 1984 « Mais par une innovation considérable, tous les créanciers, privilégiés comme
chirographaires, se verront opposer les mêmes délais et, par conséquent connaîtront à cet égard le même
sort, le fisc et la Sécurité sociale étant placés sur le même pied que le créancier ordinaire », JORF du
6 avril 1984, n° 21, p. 1182
64. A titre d'exemples, la Cour refuse de sanctionner un paiement indu versé au Trésor public
car « le paiement était intervenu sans atteinte au principe d'égalité de créanciers inapplicable aux
créanciers privilégiés », sans préciser davantage le domaine du principe (Cass. com. 30 octobre 2000,
n° 98-10.688, Bull. IV, n° 169, p. 150, JCP G 2001, n° 18, p. 885, note J.-P. Rémery ; D. 2001, p. 1527,
note P. Sylvie.) De la même manière, la Cour de cassation juge « que le principe d'égalité ne s'oppose
à la validité au regard de la procédure collective d'une clause pénale convenue entre un créancier et le
débiteur antérieurement à l'ouverture de la procédure que lorsqu'il résulte de cette clause une majoration
des obligations du débiteur envers le créancier en cas de prononcé de son redressement judiciaire »,
toutefois aucun élément n'est apporté sur le domaine de l'égalité entre créanciers (Cass. com. 11 mai
1993, n° 91-11.379, Bull. IV, n° 181 ; Rev. sociétés 1993, p. 652, note Y. Chaput ; D. 1993, p. 368,
note A. Honorat)). Enfin, les juges n'hésitent pas à rendre leur décision au visa du principe d'égalité
entre créanciers et à motiver leur décision sur ce fondement comme si le sens et le contenu de la
norme étaient connus de tous. Ainsi « vu l'article 1236 du code civil, ensemble le principe de l'égalité
des créanciers dans la procédure collective », la Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel car
« le paiement effectué par les anciens dirigeants d'une société qui fait l'objet d'une procédure collective
ne porte pas atteinte au principe de l'égalité des créanciers », sans davantage d'informations sur le
champ d'application du principe (Cass. com. 3 octobre 2006, n° 04-13.987, inédit). Toutefois un
arrêt du 28 mars 2018 apporte certaines informations en précisant que les dispositions de
l'article L. 622-27 du Code de commerce « ne méconnaissent pas le principe d'égalité, en réglant de
manière différente les droits des créanciers placés dans des situations différentes », mais la définition
reste lacunaire en ce qu'elle n'explique pas dans quelle mesure et selon quels critères les créanciers
relèvent de situations différentes (Cass. com. 28 mars 2018, n° 17-24.265, inédit ; RTD com. 2018,
p. 467, obs. A. Martin-Serf ; RTD com. 2018, p. 481, note J.-L. Vallens ; RLDA 2019, n° 144,
p. 34, note F. Reille)
65. Considérant 63 du Règlement insolvabilité bis. Ainsi, « Le présent règlement ne devrait pas
empêcher le praticien de l'insolvabilité de produire des créances au nom de certains groupes de créanciers,
par exemple au nom des travailleurs, si le droit national le prévoit. Toutefois, afin d'assurer l'égalité de
traitement de créanciers, il convient de coordonner la répartition du produit de la réalisation. ».
Corrélativement, l'article 23 § 2 du Règlement impose qu'« afin d'assurer un traitement égal des
créanciers, un créancier qui a obtenu, dans une procédure d'insolvabilité, un dividende sur sa créance ne
participe aux répartitions ouvertes dans une autre procédure que lorsque les créanciers de même rang ou
de même catégorie ont obtenu, dans cette autre procédure, un dividende équivalent ».
66. M. Cabrillac, « Les ambiguïtés entre les créanciers », in Mélanges en l'hommage à André
Breton et Fernand Derrida, Dalloz, 1991, p. 31

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