Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 25 - Le principe d'égalité entre créanciers - 273

LES ATTEINTES JUSTIFIÉES PAR L'INTÉRÊT GÉNÉRAL
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L'interdiction généralisée de recourir à tout moyen pour obtenir un paiement
peut nuire considérablement à certains créanciers pour lesquels leur créance
constitue leur unique, ou du moins, leur principale source de revenus. Ainsi, les
créances à caractère alimentaire (A) font l'objet de dispositions protectrices après
le jugement d'ouverture. Pour pallier la rigidité des règles de la procédure, le
mécanisme de l'action directe permettra de protéger les créanciers rendus plus
vulnérables à cause de l'ouverture de la procédure (B). Ces régimes spécifiques
entraînent, certes, une rupture d'égalité dans la procédure, mais se révèlent justifiés,
eu égard à la protection nécessaire de certains créanciers.
A. LA PROTECTION DES CRÉANCIERS ALIMENTAIRES
415. Les créanciers alimentaires regroupent deux catégories de créanciers :
les créanciers d'aliments (1) et les salariés (2).
1. La protection des créanciers d'aliments
416. L'article L. 622-7 du Code de commerce dispose que « le jugement
ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née
antérieurement au jugement d'ouverture à l'exception (...) des créances alimentaires
». Les créanciers alimentaires ne sont donc pas soumis à la discipline collective
imposée par le jugement d'ouverture et peuvent être payés pendant la période
d'observation, sans avoir à déclarer leur créance au préalable161
. Ainsi, ils ne sont
pas soumis, dans une certaine mesure, au délai de déclaration de créance de deux
mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC et n'ont
aucun risque de se retrouver forclos ou de voir leur créance déclarée inopposable
à la procédure.
Les créances alimentaires renvoient aux créances nées « des obligations alimentaires
entre personnes physiques fondées sur la solidarité familiale »162
issues de
l'article 206 du Code civil. À l'instar de toute exception, il est nécessaire de retenir
une conception stricte du privilège et de la notion de « créance alimentaire », afin
de ne pas faire échapper indûment un créancier aux règles de la procédure collective
sans justification. La jurisprudence accorde la qualification d'« aliments »
aux créances qui ne sont qu'en partie alimentaire. Ainsi, la Cour de cassation a
retenu que la prestation compensatoire n'avait pas besoin d'être déclarée à la procédure
pour être payée163
. La prestation compensatoire vise à « compenser, autant
. Elle présente à la fois un caractère indemnitaire et alimentaire,
et,
qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de
vie respective »164
puisque sa fixation sera fonction des besoins et des ressources des époux165
. Pourtant, les juges ne font pas une application distributive des règles de
la procédure collective en fonction de la nature indemnitaire, qui devrait être
161. Article L. 622-24 alinéa 8 du Code de commerce
162. F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 10e
éd., LGDJ, 2014, spéc. n° 608
163. Cass. com., 8 octobre 2003, n° 00-14.760, Bull. IV, n° 151, D. 2003, p. 2637, obs. A. Lienhard ;
D. 2004, p. 1965, note A. Danis-Fatôme ; D. 2004, p. 54, note F.-X. Lucas ; Dr. fam. 2003, p. 26, note
H. Lécuyer ; Gaz. Pal. 2003, n° 306, p. 3, note P.-M. Le Corre. Voir également : V. MartineauBougninaud,
« Prestation compensatoire et procédures collectives », BJE 2020, p. 10
164. Article 270 du Code civil.
165. Ph. Malaurie, H. Fulchiron, Droit de la famille, 7e
166. Ibid. spéc. n° 606
éd., LGDJ, 2020, spéc. n° 610
dans ce sens, se substitue au devoir de secours ayant pris fin avec le prononcé du
divorce166
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