Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 25 - Le principe d'égalité entre créanciers - 304

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LE PRINCIPE D'ÉGALITÉ ENTRE CRÉANCIERS
totalement affranchi des règles applicables en matière de paiement lors d'une procédure
d'insolvabilité73
. Il sera, dans cette hypothèse, payé comme si le débiteur
était in bonis, aucun de ses droits n'étant restreint par la procédure, il est hors
procédure. Si le créancier titulaire d'une sûreté réelle ne procède pas lui même à la
réalisation du bien, le syndic de la procédure pourra en disposer et le vendre, sous
réserve de désintéresser le créancier à hauteur de ses droits, sans que les règles de
la lex fori concursus n'apportent de restrictions quant à ses prérogatives74
.
Une différence de traitement s'applique donc entre les créanciers titulaires
d'une sûreté réelle qui peuvent obtenir un paiement immédiat et ceux qui en sont
dépourvus devant attendre l'élaboration d'un plan ou la réalisation des actifs.
Une inégalité existe également au sein même de la catégorie des créanciers bénéficiant
d'un droit réel. En effet, en droit français, tous les créanciers sont soumis à
la discipline collective, y compris les créanciers titulaires d'une sûreté réelle75
. La
rupture d'égalité résultant de l'article 8 du Règlement insolvabilité bis porte
atteinte à la justice inhérente à la répartition des actifs en procédure collective76
,
sans pour autant répondre aux objectifs de redressement de l'activité ou être légitimée
par la poursuite d'un but d'intérêt général.
472. L'atteinte portée au principe d'égalité entre créanciers est d'autant plus
importante que le domaine de la dérogation se révèle assez vaste. Excepté l'amorce
de définition matérielle donnée dans la seconde partie de l'article 8 qui assimile
« à un droit réel, le droit inscrit dans un registre public et opposable aux tiers », le
Règlement européen n'apporte pas de définition autonome du droit réel, mais
esquisse « une définition fonctionnelle »77
de celui-ci. Il énonce une liste non limitative
de droits réels, comme le droit de réaliser un bien et d'être désintéressé par le
produit, le droit exclusif de recouvrer une créance, le droit de revendiquer un bien
ou encore le droit réel de percevoir les fruits du bien. Une nouvelle fois, l'absence
de définition autonome s'explique par la diversité des législations des États de
l'Union européenne. En imposant une telle définition, les rédacteurs encouraient
le risque de « qualifier de droits réels des situations juridiques que la loi de l'État où
les biens sont situés ne considère pas comme tels, ou de ne pas englober les droits
réels qui ne remplissent pas ces conditions »78
. Tous les États de l'Union européenne
ne connaissent pas des mêmes sûretés réelles. À titre d'exemple, la fiducie a longtemps
été ignorée du droit français, alors qu'elle était applicable dans les autres
pays. À l'inverse, la floating charge du droit anglo-saxon n'est pas reconnue en
droit français. Par cette définition fonctionnelle, aucune sûreté réelle ne devait
échapper à cette règle, réalisant ainsi une certaine égalité dans l'inégalité.
73. Monsieur le Professeur Louis d'Avout évoque à cet égard l'« exemption de ces biens des effets
collectivement nuisibles d'une procédure d'insolvabilité » (L. d'Avout, « Biens », Rep. dr. int., Dalloz,
spéc. n° 91)
74. D. Robine, F. Jault-Seseke, « Le droit européen de la faillite », D. 2004, obs. p. 1009,
spéc. n° 7
75. Voir § 231
76. Dans ce sens, M.-N. Jobard-Bachelier, « Le sort des garanties », in L'effet international de
la faillite : une réalité ?, ss. dir. F. Jault-Seseke et D. Robine, coll. Thèmes et commentaires, Dalloz,
2004, p. 127, spéc. p. 139
77. G. Jazottes, « Article 8. Droit réel des tiers », in Règlement (UE) n° 2015/848 du 20 mai
2015 relatif aux procédures d'insolvabilité - Commentaire article par article, ss. dir. L. SautonieLaguionie,
coll. Trans europe experts, Vol. 12, Société de législation comparée, 2015, spéc. p. 91
78. Rapport Virgos-Schmit sur la Convention du 23 novembre 1995 relative aux procédures
d'insolvabilité, spéc. n° 100

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