Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 26 - L'ordre sociétaire - 385

LES MANIFESTATIONS DE L'ENTREPRISE DANS L'ORDRE SOCIéTAIRE
369
En d'autres termes, le droit des marchés financiers change tant le droit des
sociétés que le résultat de ce changement n'a absolument plus la même nature que
le droit des sociétés non cotées.
397. Adhésion au critère de la cote. L'admission du critère de la cote comme
grande distinction du droit des sociétés s'est faite sur le temps long. Pierre-Henri
Conac souligne que cet effort de distinction est venu principalement du Droit
européen qui en a fait sa summa divisio17
, sans que cela soit suivi en droit interne18
.
Cette évolution était appelée par certains. Les arguments sont tentants : il est vrai
que le droit des sociétés cotées et non-cotées est articulé de façon peu lisible19
. Il
est aussi vrai que le corps de règles applicable aux sociétés cotées et celui applicable
aux non cotées diffère singulièrement20
. Ce sont les arguments centraux du
Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCJP). Celui-ci, dans un
rapport du 26 mars 2018, souligne que « L'enjeu [de la création d'un chapitre du
Code de commerce dédié aux sociétés cotées] est de restaurer la lisibilité du droit
des sociétés non cotées et de reconstituer la cohérence du droit des sociétés cotées
aux fins d'améliorer la qualité et, par là même, l'attractivité de notre droit des
sociétés »21
. L'étude d'impact de la Loi PACTE reprend le même argument22
. Et
c'était aussi l'argument avancé par France Drummond et Julie Klein pour la création
d'un chapitre du Code de commerce dédié aux sociétés cotées.
398. le résultat est un nouveau chapitre du code de commerce dédié aux
sociétés cotées. La loi PACTE prévoyait, en son article 75, II, 1o
, le recours à une
ordonnance pour « Regrouper, au sein d'une division spécifique, les dispositions
17. P-H. Conac, « La distinction des sociétés cotées et non cotées », Rev. sociétés 2005, p. 67.
L'auteur relève que « le législateur européen fait figure de nouveau converti » (ibid., n° 2, p. 67), mais
que « le droit européen a évolué vers la mise en œuvre, d'une manière systématique, d'une distinction
de règles selon que la société est ou non cotée » (ibid., n° 3, p. 68).
18. « Par rapport à cet aggiornamento européen, le droit français semble très en retard » (ibid.,
n° 5, p. 69). « Il semble que le droit européen va probablement conduire à renforcer la distinction entre
société cotées et non cotées, mais cette influence semble insuffisante pour l'imposer en France comme
la summa divisio du droit des sociétés » (ibid., n° 5, p. 70). L'auteur donne plusieurs explications
possibles à cette réticence : le fait que le Parlement pense aux sociétés cotées lorsqu'il légifère sur les
sociétés anonymes, le fait qu'une telle distinction pourrait déposséder le ministère de la justice de ses
prérogatives sur le droit des sociétés cotées et le fait que cela risquerait de faire évoluer le droit des
sociétés non cotées dans un sens plus libéral (ibid., p. 75-76).
19. En ce sens « L'imbrication des dispositions relatives aux sociétés cotées et non cotées
complique d'abord la lecture des textes car, les dispositions spécifiques venant parfois ajouter, parfois
déroger aux dispositions d'origine, leur insertion suppose de recourir à différents procédés - exception,
exception à l'exception, ajouts, retranchements...- qui brouillent la compréhension et imposent de
multiples relectures aux fins de pouvoir démêler ce qui est applicable aux sociétés non cotées et ce qui
s'applique spécifiquement aux sociétés cotées », F. Drummond et J. Klein, « Pour la création d'un
chapitre du Code de commerce dédié aux sociétés cotées », in Le juriste dans la cité. Études en la
mémoire de Philippe Neau-Leduc, LGDJ, 2018, p. 427, spéc., n° 7, p. 429.
20. Dans le même sens, « cette absence de place spécifique reconnue aux sociétés cotées doit
aujourd'hui céder devant le développement d'un corps de règles qui leur est propre », F. Drummond
et J. Klein, « Pour la création d'un chapitre du Code de commerce dédié aux sociétés cotées »,
art. précit., n° 12, p. 432.
21. Rapport du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris, Proposition en vue de la
création d'un chapitre du Code de commerce dédié aux sociétés cotées, 26 mars 2018.
22. « Par ailleurs, le droit des sociétés cotées est également difficilement accessible car il est
réparti entre le Code de commerce, le Code monétaire et financier et le RG AMF, sans qu'une ligne de
partage claire entre ces différents corpus permette à l'utilisateur d'anticiper celui dont relève la
disposition » (Étude d'impact. Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises,
18 juin 2018, spéc. p. 280).

Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 26 - L'ordre sociétaire

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 26 - L'ordre sociétaire