Bibliothèque de droit public - Tome 322 - La théorie de l'accessoire en droit administratif - 125

L'APPARTENANCE À UNE MêME CATÉGORIE D' OBJETS JURIDIQUES
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2. Une reconnaissance d'accessoriété contestable : l'exemple du droit d'action
en garantie décennale attaché à un ouvrage
145. Certains droits d'action spécifiques, notamment en responsabilité, sont
susceptibles d'être « attachés » à des biens. On pense ici en particulier à l'action en
garantie des vices cachés tirée de l'article 1641 du Code civil78
, ou encore à la
garantie décennale issue de l'article 1792 du même code. Ces différents droits
d'action sont classiquement présentés par la doctrine comme des accessoires des
ouvrages sur lesquels ils portent. La cession de la propriété du second implique en
effet en principe transmission simultanée du premier au nouveau propriétaire, ce
qui constituerait là une manifestation de la théorie de l'accessoire79
. C'est d'ailleurs
l'interprétation retenue par la Cour de cassation, laquelle estime qu'un tel
« droit accompagne, en tant qu'accessoire, la chose vendue et s'identifie avec elle »80
.
La question se pose naturellement pour nous de savoir si une telle référence à
la théorie de l'accessoire est ou non pertinente en ce qui concerne le droit administratif.
Si cela devait être le cas, il faudrait alors admettre qu'il puisse exister des
rapports d'accessoriété entre des éléments relevant de catégories distinctes d'objets
juridiques. En effet, même si l'on peut éventuellement considérer qu'est en cause ici,
non un rapport entre un droit et un bien, mais en réalité un rapport entre un droit
d'action et un droit de propriété, donc entre deux droits, force est de constater qu'il
s'agit là de deux droits de nature bien différente. Alors que le premier entre dans la
catégorie dite des « droits personnels », lesquels établissent des rapports entre des
personnes - un créancier et un débiteur -, le second, à l'inverse, relève de la catégorie
dite des « droits réels », lesquels, de manière très différente, établissent des relations
entre une personne et une chose. Que l'on considère qu'il s'agit d'un droit
accessoire à une chose, ou d'un droit personnel accessoire à un droit réel, dans les
deux cas il s'agit bien d'un rapport entre des éléments de nature distincte. Pour
répondre à cette question, nous raisonnerons à partir de l'exemple de la garantie
décennale, car c'est elle qui a occasionné la jurisprudence la plus abondante.
146. Comme cela a été dit précédemment, cette garantie découle en droit
privé de l'article 1792 du Code civil, selon lequel : « Tout constructeur d'un ouvrage
est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages,
même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage
ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments
d'équipement, le rendent impropre à sa destination. » Celle-ci s'éteignant « après
dix ans à compter de la réception des travaux »81
, elle est classiquement dénommée
78. Article 1641 du Code civil : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de
la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet
usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait
connus. »
79. Rozen Noguellou, La transmission
des
obligations
en
droit
administratif, LGDJ,
coll. « Bibliothèque de droit public », t. 241, 2004, n° 525, p. 283 : « La cession d'un droit d'action
attaché à une chose est bien connue du droit privé et la doctrine l'explique habituellement par la théorie
de l'accessoire : l'action en responsabilité des vices cachés est ainsi transmise aux différents acquéreurs
de la chose en ce qu'elle constituerait un accessoire de ce bien. De même, l'action en garantie décennale
est considérée comme transmissible aux acquéreurs successifs de l'ouvrage. »
80. Cass. 3e
civ., 23 mars 1968, André c/ SA Garage Olympic, n° 66-11086 : Bull. civ. III, n° 131,
p. 104 ; D. 1970. J. 663, note Philippe Jestaz.
81. Article 1792-4-1 du Code civil : « Toute personne physique ou morale dont la responsabilité
peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et

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