Bibliothèque de droit public - Tome 322 - La théorie de l'accessoire en droit administratif - 50

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LA THÉORIE DE L'ACCESSOIRE EN DROIT ADMINISTRATIF
pensons au contraire que, derrière cette formule quelque peu ambiguë, se cache en
réalité là encore une logique d'indissociabilité.
Pour appuyer ce point de vue, il est possible d'établir un lien avec le droit
consacré par le Code civil à bénéficier en cas d'enclavement d'une servitude de
passage. L'article 682 dudit code offre en effet à tout « propriétaire dont les fonds
sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante,
soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit
pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, » le droit de
« réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte
complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il
peut occasionner. » Lorsque les conditions requises sont remplies, le droit d'obtenir
une telle servitude résulte ainsi de plein droit de la loi et, à défaut d'accord
entre les parties concernées, il revient au juge judiciaire de fixer l'assiette de la
servitude, ainsi que l'indemnité due49
. Ce droit à obtenir une servitude de passage
en cas d'enclavement n'est en conséquence pas un droit réel qui vient s'adjoindre
à un titre de propriété donné, mais c'est un droit inhérent à la propriété immobilière.
Il doit en conséquence être clairement distingué de la servitude de passage
elle-même, laquelle peut, sous certaines conditions, être considérée comme « un
accessoire du fonds au profit duquel elle se trouve constituée », et ainsi subsister
même « après la cessation de l'enclave »50
.
Le libre accès des riverains à la voie publique constitue selon nous le prolongement
administratif de ce droit au désenclavement. En effet, il ressort de l'article
682 que ce dernier a pour objet de permettre à tout propriétaire de disposer
« d'une issue suffisante » à la voie publique. Ainsi, une servitude de passage qui ne
serait pas assortie d'un droit d'accès à la voie publique n'atteindrait en aucun cas
son but, et serait en conséquence parfaitement inutile. Du reste, d'une manière
générale, si la loi reconnaît à tout propriétaire d'un terrain enclavé le droit d'obtenir
une servitude de passage propre à le sortir de son enclavement, c'est nécessairement
qu'elle considère que l'accès à la voie publique est un corollaire nécessaire
et indispensable du droit de propriété. L'Administration ne saurait en conséquence
pas, sans une raison valable, refuser à un riverain le droit d'entrer et de
sortir de son fonds avec un véhicule. Un tel refus équivaut en effet irrémédiablement
à condamner le fonds concerné à une situation d'enclavement, en contradiction
totale avec l'esprit de l'article 682 du Code civil.
Lorsque le juge administratif explique que « le libre accès des riverains à la voie
publique constitue un accessoire du droit de propriété », il ne se place en réalité nullement,
comme peut le faire parfois le juge judiciaire, sur le terrain des « droits accessoires
» au sens de la théorie de l'accessoire. Il signifie seulement par là, dans le
prolongement du Code civil, que l'exercice effectif du droit de propriété sur un
fonds implique nécessairement la possibilité d'y accéder depuis la voie publique. Un
tel droit n'est en effet pas un droit complémentaire qui vient apporter à un droit de
privé », 10e
49. François Terré et Philippe Simler, Droit civil - Les biens, Dalloz, coll. « Précis Droit
éd., 2018, p. 247, n° 288.
50. Cass. civ., 20 février 1922 : DP 1925, 1, 80. - Cass. 1re civ., 6 juillet 1959, Cts Caron c/ Époux
Sailly : D. 1960, somm. 26 ; Bull. civ., n° 337, p. 281 : « Lorsque le propriétaire d'un fonds enclavé auquel
l'article 682 c. civ. accorde, à raison de la nécessité, un droit de passage, a pendant trente ans exercé ce
droit suivant un mode et une assiette déterminés, sa possession équivaut à un titre d'acquisition de la
servitude de passage ; Celle-ci devient un accessoire du fonds au profit duquel elle se trouve ainsi constituée
et, en conséquence, persiste même après la cessation de l'enclave qui en avait été la cause originale ».
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